Desseins croisés

R, DSV & Sie. P et Valérie Mréjen à Lille

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 2 avril 1999 - 522 mots

Jouant sur le morphing, le groupe d’architectes R, DSV & Sie. P présente à Lille le deuxième volet de ses « Mutations @morphes ». Ce titre fonctionne d’ailleurs, et c’est un hasard, comme un clin d’œil au travail de Valérie Mréjen montré simultanément à l’Espace Croisé.

LILLE - Blotti dans un coin du centre commercial Euralille, construit par Jean Nouvel, l’Espace Croisé propose depuis près de quatre ans une programmation d’expositions tournées à la fois vers l’architecture et la vidéo. Ces dernières se déploient dans un espace de 1 650 m2 qui tire au mieux parti de la conception de ce bâtiment sans murs porteurs à l’intérieur. Pour l’heure, le lieu accueille le second volet de l’exposition de R, DSV & Sie. P “Mutations @morphes”, après Orléans et avant son départ pour l’université de Columbia, à New York, et celle de Californie à Los Angeles. Profitant des moyens techniques de l’Espace Croisé, les architectes présentent de grandes installations vidéos déclinant le thème du morphing où, grâce à un logiciel, on peut transformer une image A en une image B, en déplaçant chacun des points qui la constitue. Appliquée à l’architecture et à l’urbanisme, cette technique permet de montrer les lentes mutations d’un projet de construction ou d’aménagement urbain, en mettant en valeur non pas le résultat final mais le processus même de la transformation. Les images de synthèse conduisent ainsi à la manipulation des formes, à de nouvelles interprétations qui, chez R, DSV & Sie. P, restent foncièrement théoriques. Les vidéos projetées – une succession d’images fixes jouant sur le déplacement du spectateur pour créer un effet de morphing – ou le Siphon mettent en lumière les transformations formelles et intellectuelles (espaces urbains ou forêts de mots) dans des “distorsions en temps réel”. Une table présente encore, dans un coin de l’exposition, quelques livres dont se sont nourris les architectes, par l’exemple Les racines du mal de Maurice G. Dantec.

Plus loin, Valérie Mréjen propose un ensemble de vidéos qui explorent le vaste champ des rapports humains, mais toujours dans une relation frontale entre deux individus, présents ou supposés présents. Elle met ici en évidence la question du dominé/dominant, avec des scènes dont la vraisemblance donne encore plus d’impact aux propos acerbes échangés. Dans Michèle et Aurore, une mère prend ainsi le prétexte de donner des conseils de beauté à sa fille pour mettre mal à l’aise l’adolescente, lui parlant par exemple de sa moustache, de ses vêtements qu’elle choisit mal, ou de ses grosses fesses... L’artiste explore également sans fard les relations de couple, les difficultés qu’ont parfois deux personnes à se comprendre : dans Huguette, un homme expose le comportement pour le moins changeant de son amie ; ou encore Jocelyne, qui raconte froidement, cliniquement, une nuit d’amour. Travaillant avec des comédiens professionnels, Mréjen nous met dans une situation de voyeur, et nous pousse à regarder ce que souvent nous ne voulons pas voir. Cette efficacité n’en est que plus terrible.

MUTATIONS @MORPHES. 2.0 MOVIES / VALÉRIE MRÉJEN. VIDÉOS

Jusqu’au 30 avril, Espace Croisé, allée de Liège, Euralille, Lille, tél. 03 20 06 67 42, tlj sauf dimanche et lundi 13h-19h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°80 du 2 avril 1999, avec le titre suivant : Desseins croisés

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