Design expérimental

Lisbonne accueille une deuxième Biennale prometteuse

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 12 octobre 2001 - 718 mots

La deuxième Biennale de design de Lisbonne réunit des créateurs portugais prêts à renouveler l’univers des objets quotidiens, quitte à en bousculer les formes et les typologies, et propose deux expositions sur des légendes du design du XXe siècle : feu Verner Panton et le toujours vert Dieter Rams.

LISBONNE - Depuis trois ans, le Portugal est véritablement passé à l’heure du design. En mai 1999, Lisbonne inaugurait son Musée du design – quelque 250 pièces présentées, dont plusieurs “spécimens” uniques, sur une collection de 600 numéros – et lançait dans la foulée “Experimenta Design”, sa première biennale de design. Cette année, la seconde édition, qui mixe conférences, films et expositions, se veut beaucoup plus ambitieuse, n’hésitant pas à frotter le design purement industriel à d’autres domaines, tels que le graphisme ou l’architecture. Résultat : quelques faiblesses inhérentes à l’élargissement du propos, comme dans l’exposition “Voyager”, où l’on ne fait malheureusement que survoler le graphisme portugais (soupçonné néanmoins d’être de bon niveau), mais aussi des réussites comme l’admirable exposition “Dieter Rams”.

Qu’on se le dise, la création portugaise a de la ressource. À la Corderie nationale, “Design Operandi” montre ainsi les travaux plutôt réjouissants des seize designers lusitaniens en vogue, dont Luis Pessanha – une amusante bibliothèque dont les étagères tiennent sur des livres –, Fernando Brizio – des meubles taillés dans des mille-feuilles de papier tels des Post-It géants –, ou encore Marco Sousa Santos – un mobilier d’extérieur en marbre blanc totalement zen. Même les entreprises du cru, jadis frileuses en innovation, s’y sont mises. Pour “Project 01”, la firme Atlantis s’est attachée les services de huit créateurs, locaux ou étrangers (Filipe Alarcao, Hella Jongerius, José Viana, Alfredo Häberli...), qui ont créé des objets en cristal à utiliser au quotidien. Alors qu’avec “Standards”, le groupe MGlass a, lui, fait plancher neuf designers (Vogt & Weizenegger, Uwe Fischer, James Irvine, Elder Monteiro, Christophe Pillet…) pour dessiner les basiques en verre de demain. Au final, deux belles collections que l’on espère voir un jour éditées.

Au Centre culturel de Belém, par ailleurs siège du Musée du design, les deux plus grandes expositions de cette Biennale 2001 se dévorent en boucle. D’abord, celle consacrée à Verner Panton, qui tourne à travers le monde depuis la disparition, en 1998 (lire le JdA n° 89, 24 septembre 1999), du célèbre designer danois (on peut d’ailleurs se demander pourquoi aucune institution française ne l’a encore accueillie ?). Y sont présentés, dans une ambiance on ne peut plus pop, tous ses meubles mythiques, dont cette pièce emblématique qu’est le “Phantasy Landscape”, réalisé en 1970 pour l’exposition Visiona II à Cologne : un environnement futuriste avec mobilier intégré tout en mousse, dans lequel on se prélasse à l’envi.

Juste à côté, tranchant avec l’univers très coloré “pantonien”, s’ouvre ce qui à n’en point douter reste le clou de la manifestation : l’exposition sur Dieter Rams, designer allemand de soixante-neuf ans, pape du fonctionnalisme et chef du département design de la firme Braun de 1961 à 1997. Sa devise : “Le bon design, c’est le moins de design possible !” Dans la scénographie (forcément) grise et minimale, mais si élégante, Miguel Vieira Baptista, le commissaire, a découpé l’espace comme les pièces d’une maison. Dans la “cuisine”, les robots et les presse-citron ; dans la “salle de bains”, les rasoirs et les sèche-cheveux ; dans le salon, le canapé, la hi-fi ou la première télévision sur pied... On s’y croirait. Il suffit alors de déambuler dans la “Maison de Dieter Rams” – titre de l’exposition – pour découvrir l’étonnante complémentarité de sa production. Comprendre sa façon d’esquiver sans cesse le superflu, d’aller à l’essentiel. Et se rendre compte soudain de la pertinence de cet hommage, rendu ici, aujourd’hui, tant son influence sur nombre de designers actuels s’avère évidente. Chercher des similitudes entre, par exemple, tel meuble pour la firme Vitsoe et tel autre des frères Bouroullec pour Cappellini, entre telle télévision ou telle chaîne hi-fi Braun et celles dessinées par Jasper Morrison pour Sony, devient alors un jeu d’enfant. C’est une grande et belle exposition... de quoi faire pâlir d’envie plus d’un conservateur parisien.

- EXPERIMENTA DESIGN, jusqu’au 31 octobre, Commissariat de la biennale de design, Lounging Space, Armazém B, cais da Pedra a Sta. Apolonia, Lisbonne, tél. 351 21 855 09 50. Internet : www.experimentadesign.pt

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°134 du 12 octobre 2001, avec le titre suivant : Design expérimental

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