Des poèmes endeuillés

Anvers consacre une rétrospective à Rombouts & Drost

Le Journal des Arts

Le 5 mars 1999 - 385 mots

Décédée en novembre 1998, alors qu’elle préparait activement cette exposition monographique, Monika Droste laisse Guy Rombouts poursuivre une « œuvre de langage » en perpétuelle métamorphose.

ANVERS - Récusant le fondement conceptuel d’un langage fondé sur une typologie de signes abstraits, Rombouts & Droste se sont signalés par la formation d’un nouveau code visuel de communication : le “Azart”. S’attachant à conserver une part de hasard qui, chez Monika Droste, avait force de mystère cosmologique, l’alphabet devient silhouette sur laquelle se bâtirait une humanité nouvelle, nourrie par un rêve idéaliste qu’incarne, en ouverture de l’exposition, l’imposante ziggourat dont les profils reprennent chaque terme de ce bestiaire alphabétique. Le mot devenu lettre dans un tracé ondulant, brisé, mouvant, aigu ou serpentin, structure l’espace en même temps qu’il se colore. Le “A”, devenu “Azart”, se nomme “angulaire” et se teinte d’“aquamarine”. Aussi absolue que subjective, la démarche de Rombouts & Droste rejoint le “zaoum” de Khlebnikov et Kroutchonykh pour jeter les bases d’un langage réformé qui résumerait l’univers en quelques principes poétiques.
En un peu plus de dix ans, Rombouts & Droste ont décliné les facettes de ce nouveau mode de communication, tout en lui donnant son caractère propre. L’Azart ne détermine pas seulement une conscience de la présence plastique de l’écriture, il en affirme la portée spatiale. L’écriture prend une dimension chorégraphique pour s’animer dans le lieu jusqu’à en structurer le devenir. Inscrit dans le jardin ou écrit dans la boîte blanche du Muhka, l’Azart s’impose comme une forme dialoguée de l’écriture. Cette métamorphose du lieu en espace, Rombouts & Droste la placent sous le signe du labyrinthe, qui lie en une même perspective matière, forme et couleur. Rien n’y est jamais acquis puisque le langage bouge et se rétracte, se comprime et se donne, évolue en perpétuelle métamorphose. Ainsi, tout au long de l’exposition, Guy Rombouts reviendra régulièrement au musée pour retoucher et transformer une œuvre dont le regard rétrospectif se figera, finalement, avec la publication du catalogue. Prolongeant une tradition inaugurée avec Magritte et, plus encore, avec Broodthaers, Rombouts & Droste érigent l’espace en rébus pour inviter chacun à participer au devenir d’une écriture.

ROMBOUTS %26 DROST

Jusqu’au 28 mars, Muhka-Musée d’art contemporain, Leuvenstraat, 2000 Anvers, tél. 32 3 238 59 60, tlj sauf mardi 10h-18 h. Un catalogue paraîtra à la clôture de l’exposition.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°78 du 5 mars 1999, avec le titre suivant : Des poèmes endeuillés

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