Art de vivre

Des heures et des heures...

Le Musée Magnin, à Dijon, propose une immersion dans le quotidien d’une riche famille dijonnaise, de Louis XIV à la IIIe République

Le Journal des Arts

Le 5 janvier 2010 - 498 mots

DIJON - L’hôtel Lantin, qui accueille les collections du Musée Magnin, à Dijon, a été le témoin de la vie de familles de la haute société, nobles et bourgeoises. Une exposition réunissant près de deux cents pièces vient rendre compte de cet art de vivre de l’élite, de la fin du XVIIe siècle jusqu’au crépuscule du XIXe siècle.

« Les heures du jour » s’ouvre sur une sélection de gravures de suites d’estampes du XVIIIe siècle, exécutées d’après les dessins de Jean-Michel Moreau le Jeune, et montrant les activités qui scandaient le quotidien d’une riche demeure sous Louis XVI. À l’étage du Musée, dans des salles à la disposition inchangée depuis la construction de l’hôtel, en 1652, le visiteur pénètre dans le secret de cette maison de ville cossue. Les membres de ces familles aisées, que l’on imagine oisifs, se dévoilent sous un jour beaucoup plus affairé.

Vincent Termeulen, commissaire de l’exposition, a souhaité mettre en évidence l’évolution des codes de cette sphère sociale ; preuve en est avec les repas, grands inconstants de ces journées bien remplies, dont les horaires n’ont cessé de changer au cours des siècles mais qui n’en ont pas moins conservé cette obsession de se démarquer du peuple. Le lever, qui fut d’abord un événement public orchestré par les domestiques, devient intime au XIXe siècle. La place de la religion décroît elle aussi – en témoigne un prie-dieu transformable en fauteuil (XVIIIe siècle) –, alors que l’importance de l’hygiène augmente.

Lorgnette « indiscrète »
Le moment de la parure met en scène une panoplie d’éléments précieux, à l’image de la cave à odeurs aux entrelacs d’or (milieu du XVIIIe siècle). Avec les Lumières, l’enfant se voit accorder une place de choix au sein de la famille, comme le montre une pièce exceptionnelle, un très rare bureau d’enfant à dos d’âne (Bondurand, XVIIIe siècle). Dans la journée, c’est sur une note plus désuète que Madame vaque à ses travaux d’aiguilles ou à son éducation musicale – livrant au passage un splendide luth italien de la fin du XVIIe siècle –, tandis que Monsieur pétune à l’aide de sa râpe à tabac sculptée (XVIIIe siècle).
 
La dernière section du parcours, dévolue au soir, offre son lot de pièces charmantes et variées, telles que la lorgnette de théâtre « indiscrète » (XVIIIe siècle), permettant de voir sur le côté tout en ayant l’air de regarder en face, ou une toile de Jean Béraud, Une soirée (1878), décrivant ce rituel mondain. Le jeu laisse finalement place au coucher, avec une ingénieuse pendule religieuse (dernier quart du XVIIe siècle), qui annonce l’heure même dans le noir le plus complet. La coquetterie de l’ensemble révèle le charme de cette immersion dans l’intimité des lointains occupants du lieu. Raffinement et découverte sont de mise au fil des heures de ce jour dont certains héritages perdurent sous des formes réactualisées.

LES HEURES DU JOUR
Commissaire : Vincent Termeulen, historien de l’art moderne et chargé de cours à l’université de Bourgogne

LES HEURES DU JOUR, DANS L’INTIMITÉ D’UNE FAMILLE DE LA HAUTE SOCIÉTÉ, DE LOUIS XIV À LA IIIe RÉPUBLIQUE, jusqu’au 14 février, Musée Magnin, 4, rue des Bons-Enfants, 21000 Dijon, tél. 03 80 67 11 10, www.rmn.fr, tlj sauf lundi 10h-12h et 14h-18h.
Catalogue, éd. RMN, 116 p., 90 ill., 29 euros, ISBN 978-2-7118-5662-6.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°316 du 8 janvier 2010, avec le titre suivant : Des heures et des heures...

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