Des bronzes chinois à Pollock, des expositions par milliers

Rétrospectives, grands messes, découvertes et redécouvertes à l'affiche

Par Le Journal des Arts · Le Journal des Arts

Le 3 janvier 1998 - 2036 mots

L’année 1998 devrait constituer un bon cru pour les amateurs d’art contemporain. Les grands musées européens et américains multiplient les affiches attrayantes : Jackson Pollock et Alexandre Rodtchenko au Museum of Modern Art (MoMA) de New York, Marc Rothko à la National Gallery de Washington et au Musée d’art moderne de la Ville de Paris, Max Ernst au Centre Pompidou. Mais l’art moderne ne sera pas négligé pour autant avec, notamment, Pierre Bonnard au MoMA, le XIXe non plus avec les dernières années de Delacroix au Grand Palais, Degas, Manet/Monet à la National Gallery de Washington et au Musée d’Orsay, Van Gogh au Rijksmuseum... Enfin, les amateurs d’art d’Extrême-Orient pourront découvrir
les chefs- d’œuvre du Musée du Palais de Taipeh, présentés pour la première fois à Paris.

À Paris, du 6 mai au 17 août, on admirera des œuvres de Max Ernst dans la Galerie sud du Centre Pompidou. “Max Ernst. Sculptures, maisons et paysages” présente des travaux appréhendés à travers les lieux où l’artiste a vécu et travaillé : premières sculptures réalisées à partir des années trente à la suite d’un séjour chez Giacometti à Maloja, ou encore à Eaubonne lorsqu’il vivait auprès d’Eluard. Mais la fermeture partielle du Centre Pompidou pour travaux de rénovation n’a pas fini de faire des heureux parmi les directeurs de musées et les amateurs d’art non parisiens. Les collections du Musée national d’art moderne (Mnam) profitent en effet de l’indisponibilité des lieux pour partir s’aérer à l’étranger, et en régions dans les grands musées français, à Colmar, Nantes et Nice notamment...

Close et Rodtchenko
À l’étranger, le Solomon R. Guggenheim Museum de New York organise, à partir de la mi-septembre, une exposition-dialogue entre ses propres collections et celles du Mnam. L’exposition, intitulée “Rendez-vous”, met en exergue les similitudes et les complémentarités, les différences et les spécificités des deux ensembles. Dans une seconde manifestation, “Premises”, de la mi-septembre à janvier 1999, le Guggenheim montrera quelques aspects de la création en France, depuis les années soixante jusqu’à aujourd’hui.

À New York toujours, le Museum of Modern Art a placé une bonne partie de l’année 1998 sous le signe de l’art contemporain. Du 26 février au 26 mai, ce cycle s’ouvre avec un panorama de l’œuvre de l’Américain Chuck Close. Figure marquante de l’art contemporain, il est surtout connu pour ses portraits de très grand format sur lesquels il agrandit et déforme les particularités des visages. Nombre de ses modèles ont été choisis parmi ses proches, dont Roy Lichtenstein et Robert Rauschenberg. L’exposition propose quatre-vingts œuvres de Close : peintures, dessins et photographies.

Du 25 juin au 6 octobre, le MoMA présente une grande rétrospective de l’œuvre d’Alexandre Rodtchenko (1891-1956), un des artistes russes majeurs de la période révolutionnaire qui fut aussi un théoricien du Constructivisme. Tony Smith (1912-1980), auquel le MoMA consacre une exposition du 2 juillet au 22 septembre, a travaillé comme architecte avant de se consacrer à la peinture et au dessin, puis, à partir des années soixante, à la sculpture. Il conçoit des structures géométriques en acier structurées par des angles de 30 à 90°.

Jackson Pollock
Le Museum of Modern Art clôturera l’année avec une grande rétrospective Jackson Pollock, du 1er novembre 1998 au 2 février 1999. Le public pourra admirer 120 peintures et 60 travaux sur papier, un ensemble qui retrace toute la carrière de cette grande figure de l’Action Painting, décédée en 1956. On quitte New York pour Washington où la National Gallery présente, du 3 mai au 16 août, à travers 120 toiles et œuvres sur papier, les grandes étapes de la carrière du peintre américain d’origine russe Mark Rothko (1903-1970). L’exposition gagnera la France pendant l’hiver 1998-1999 : les œuvres de cet intellectuel épris de spiritualité seront exposées au Musée d’art moderne de la Ville de Paris.
L’exposition Robert Rauschenberg, qui se tient au Solomon R. Guggenheim Museum de New York jusqu’en janvier, traversera elle aussi l’Atlantique l’été prochain. Le Musée Ludwig l’accueillera à Cologne du 26 juin au 11 octobre, avant sa présentation au nouveau Musée Guggenheim de Bilbao à partir du 20 novembre.

Si l’art contemporain brille en 1998 par le nombre et l’importance des manifestations qui lui sont consacrées, l’art moderne ne sera pour autant pas absent des programmations des grands musées européens et américains ou de certaines galeries. Des expositions d’œuvres de Manet, Monet, Degas, ainsi que Van Gogh, Bonnard, Fernand Léger ou les peintres scandinaves autour d’Edvard Munch, toutes à l’affiche en 1998, rééquilibreront la palette.

En prélude à un feu d’artifice impressionniste, se tiendra à la Tate Gallery de Londres, du 3 mars au 21 juin, une exposition consacrée à l’un des précurseurs de ce groupe : le Britannique Turner. Ce dernier a entretenu, au début du XIXe siècle, des amitiés avec quelques scientifiques de renom, hommes de sciences, architectes... Leur fréquentation a influé sur l’évolution de son art. Ce que montre l’exposition "Turner et les Scientifiques" qui rassemblera quelques chefs-d’œuvre, dont Vapeur et vitesse (1844, National Gallery) et Tempête de neige (1842).

Le feu d’artifice débutera en février au Musée d’Orsay, avec une exposition intitulée “Manet, Monet et la gare Saint-Lazare”. Les 50 tableaux et dessins présentés nous invitent à Paris, à la fin du XIXe siècle, dans le quartier de l’Europe qui entoure la gare Saint-Lazare. C’est là qu’ont travaillé de jeunes artistes comme Claude Monet, Édouard Manet et Gustave Caillebotte, peignant les rues environnantes et la gare où ils prenaient le train pour gagner les bords de Seine et Argenteuil. Du 9 février au 17 mai, on pourra admirer quelques tableaux célèbres, dont La gare Saint-Lazare de Manet (1873, National Gallery of Art, Washington), l’Arrivée d’un train à la gare Saint-Lazare de Monet (1878, Kimbell Art Museum, Fort Worth), Sur le pont de l’Europe, gare Saint-Lazare par Caillebotte (1877, Fogg Art Museum, Harvard University, Cambridge). L’exposition, organisée par la National Gallery of Art de Washington et le Musée d’Orsay, ouvrira dans la capitale américaine à partir du 14 juin. Toujours à Washington, "Degas aux courses", du 12 avril au 12 juillet à la National Gallery – première grande exposition consacrée par un musée aux œuvres nées de la fascination du peintre pour les chevaux et les courses –, réunira 120 œuvres, dont 40 peintures et estampes et 60 dessins et gravures.

Bonnard à la Tate
À Londres, à la Tate Gallery du 12 février au 17 mai, une grande rétrospective Pierre Bonnard (1867-1947) présente une centaine de peintures : paysages, natures mortes, intérieurs et autoportraits, ainsi que quelques nus représentant sa femme Marthe, parmi lesquels figurent de superbes Nus à la baignoire.

Autres horizons avec les peintres mexicains Diego Rivera (1886-1957) et Frida Kahlo réunis du 24 janvier au 1er juin, dans une exposition célébrant le vingtième anniversaire de la Fondation Gianadda, à Martigny, puis du 9 juin au 30 septembre au Musée Maillol à Paris.

À Bruxelles, les Musées royaux des beaux-arts de Belgique rendent hommage au peintre Magritte en proposant, du 6 mars au 28 juin, 300 peintures et gouaches exécutées entre 1919 et 1967. Magritte est l’un des principaux représentants du Surréalisme. La rétrospective rend compte chronologiquement de l’évolution et de l’étendue de son œuvre, tout en resituant à travers des documents, tracts, photographies et périodiques, le contexte intellectuel de l’époque
Le Musée d’art moderne de la Ville de Paris, poursuivant son voyage à travers les scènes artistiques européennes de la Modernité, fait étape dans les Pays nordiques avec "Lumières du monde, lumière du ciel", du 5 février au 17 mai. Articulée autour de la figure centrale du peintre norvégien Edvard Munch (1863-1944), l’exposition réunit une soixantaine de peintures, gravures et photographies d’artistes suédois et finlandais

Au nord de l’Europe encore, le Rijksmuseum d’Amsterdam profite de la fermeture pour rénovation du Musée Van Gogh pour présenter, à partir du 15 septembre, une sélection des peintures majeures de Vincent. De son côté, le Musée d’Orsay rapprochera, du 14 septembre au 3 janvier 1999, les œuvres de Van Gogh de celles de Millet – que Vincent considérait comme son maître – pour montrer les similitudes existant entre les deux peintres, notamment en ce qui concerne les techniques picturales et la représentation de la vie paysanne. À Orsay toujours, "La collection du docteur Gachet" "contribuera à faire le point sur les polémiques quant à l’authenticité de certaines œuvres  de Vincent Van Gogh", selon Henri Loyrette, directeur du musée. Au cours de l’automne, elle regroupera les trente peintures des différentes donations du docteur et de ses enfants, des dessins, des sculptures et divers souvenirs, ainsi que des œuvres offertes à des musées de province et autres institutions publiques.

Retour à la création française avec "L’art au temps des Rois maudits, Philippe Le Bel et ses fils (1285-1328)". Cette exposition se penche sur la production artistique, injustement négligée, d’une période charnière du Moyen Âge : celle des derniers Capétiens. Les règnes de Philippe Le Bel et de ses fils sont en effet plus connus pour leurs aspects dramatiques (premières défaites de la chevalerie française, procès des Templiers...) que pour les œuvres plastiques, qui ont pourtant su créer de nouveaux traits stylistiques – transformation des types de visage, étirement des torses des personnages, maîtrise du modelé et de l’expression spatiale –, renouveler l’art de la sculpture et laisser s’épanouir les arts précieux : reliquaires, ivoires, coffrets, émaux. L’exposition qui se tiendra au Grand Palais, du 21 mars au 30 juin, se propose de "réhabiliter" l’intense création artistique au temps des Rois maudits.

Le Musée des beaux-arts de Rennes se lance lui aussi dans un combat pour la réhabilitation d’une œuvre, beaucoup plus récente, celle de Jacques Blanchard (1600-1638), l’un des grands peintres du règne de Louis XIII, en réunissant du 6 mars au 9 juin la quasi-totalité de l’œuvre peint, soit une cinquantaine de tableaux. De son côté, la National Gallery de Londres va scruter l’œuvre de Van Eyck du 14 janvier au 15 mars. Cette exposition, organisée en collaboration avec le Musée d’art de Philadelphie et la Galerie Sabauda de Turin, permettra notamment la confrontation de deux versions du Saint François recevant les stigmates, l’une venant des États-Unis, l’autre d’Italie. Elle se penchera également sur la technique à l’huile de l’artiste, grâce à de récentes recherches menées par le musée londonien.

Au prix d’un nouveau bond dans le temps pour gagner les rivages du Romantisme, retrouvons Paris et le Grand Palais, du 10 avril au 20 juillet, pour une redécouverte des quinze dernières années de l’œuvre de Delacroix. Marquées par un retrait du peintre à l’égard du Romantisme, ces années apparaissent comme une période de synthèse dans sa carrière. Elle devrait a priori  plus facilement attirer la foule que d’autres expositions. Comme vous le montre cette sélection, 1998 alternera de nouveau grandes manifestations et expositions "plus pointues", qu’il importe pourtant de rendre accessibles et attirantes pour un public dépassant la seule "élite".

De la Chine à la france
"Chine : 5000 ans", au Solomon R. Guggenheim Museum de New York, nous invite, du 6 février au 3 juin, à un grand voyage dans l’histoire de l’art chinois, de l’ère néolithique au XXe siècle. Il s’agit de la première grande exposition réunissant à la fois art traditionnel et art moderne chinois. Au Grand Palais cette fois, à partir du 6 octobre et jusqu’au 11”ˆjanvier 1999, Art chinois toujours, avec “Mémoire d’empire”?, la présentation de plus de 270 pièces issues du Musée national du Palais de Taipeh, à Taiwan : peintures, jades, bronzes, céramiques, objets archéologiques. C’est la première fois que ce musée présente à l’étranger ses collection, qui comptent des trésors de la Chine impériale.

France-Égypte, horizons partagés
La France et l’Égypte ont décidé de célébrer ensemble, de l’été 1997 à l’été 1998, les relations qui ont lié nos deux cultures au cours de l’histoire. Une trentaine d’expositions sont au programme.”ˆÀ Paris, l’Institut du monde arabe organise deux grandes manifestations : la première, de mars à mai, est consacrée à “l’Art contemporain égyptien”? ; la seconde, du 27 avril au 3 août, présente la civilisation fatimide (969-1171), l’une des plus brillantes de l’Égypte islamique. Au Petit Palais, du 6 mai au 27 juillet, “La gloire d’Alexandrie”? s’intéresse à l’époque ptolémaïque, mal connue du grand public, pendant laquelle l’Égypte a dominé culturellement le monde méditerranéen, Alexandrie succédant à Athènes.

Côté photographie
Une nouveauté et deux rendez-vous désormais classiques pour les festivals. La première Biennale de l’image, organisée par le Centre national de la photographie (CNP), aura lieu du 12 mai au 12 juillet à l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris et sera consacrée à de jeunes artistes de tous pays. Le 8e Printemps de Cahors se déroulera du 29 mai au 14 juin et aura pour thème “La Sphère de l’intime”?. Enfin, les 29e Rencontres internationales de la photographie à Arles, qui se tiendront du 5 juillet au 18 août, auront pour commissaire Giovanna Calvenzi, critique d’art italienne. À Paris, du 17 février au 17 mai, la Maison européenne de la photographie rendra hommage à Erwin Blumenfeld, Alexey Brodovitch, Irving Penn… Quant au CNP, il mettra en valeur des artistes d’une autre génération comme Patrick Tosani (4 mars - 20 avril), Éric Poitevin (29”ˆavril - 6 juin), Sophie Calle (9 septembre - 2 novembre)…

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°51 du 3 janvier 1998, avec le titre suivant : Des bronzes chinois à Pollock, des expositions par milliers

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