Rétrospective

Delacroix, au-delà du romantisme

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 21 novembre 2003 - 663 mots

La Kunsthalle de Karlsruhe consacre une importante rétrospective au peintre mal connu en Allemagne. Plus de 220 œuvres montrent la complexité et la richesse de sa production.

 KARLSRUHE - Si en France Delacroix (1798-1863) est considéré comme l’une des figures majeures de l’histoire de l’art, il demeure relativement mal connu en Allemagne. La Kunsthalle de Karlsruhe a donc décidé de montrer toute la richesse de son œuvre, qui ne saurait se résumer au seul mouvement romantique. Pour ce, le directeur du musée, Klaus Schrenk, a fait appel à de nombreux musées français (Louvre, Orsay, musées des beaux-arts de Bordeaux, Arras, Grenoble, Tours, Strasbourg ou Dijon), et internationaux (Musée national de Stockholm, National Gallery de Londres, Kunstmuseum de Bâle, Metropolitan Museum de New York, National Gallery de Washington, Pinakothek de Munich, National- galerie de Berlin…), ainsi qu’à des collectionneurs privés. Au total, quelque 223 tableaux, dessins et gravures du maître ont été réunis. Malgré l’absence de toiles célèbres comme La Mort de Sardanapale ou La Liberté guidant le peuple, conservées au Louvre, le parcours révèle un artiste « qui a su rassembler dans son œuvre tous les styles, toutes les théories, toutes les écoles, afin de créer un monde pictural complexe et efficace, douloureux et jubilatoire, passionné et intellectuel », explique dans le catalogue Vincent Pomarède – déjà commissaire en 1998 de l’exposition consacrée à l’œuvre tardive de l’artiste, au Grand Palais. Portraits, peintures d’inspiration religieuse, mythologique, littéraire ou historique, natures mortes et tableaux animaliers sont agencés selon un parcours chronologique, jalonné de petits cabinets dévoilant la production graphique de Delacroix. Ainsi d’un ensemble de lithographies inspirées directement de Faust et qui valurent à l’artiste les éloges de Goethe lui-même. Le peintre fit la découverte du dramaturge allemand lors de son séjour à Londres en 1825, où il eut également la révélation du théâtre shakespearien. Quelques années plus tard, en 1832, il effectua son premier voyage au Maroc, puis en Algérie, pour devenir le plus célèbre des orientalistes. Inspiré tout au long de sa carrière par les pays d’Afrique du Nord, il exécuta des études comme Trois personnages et un cheval (1857), des tableaux tels Fantasia arabe (1833) ou Combat du Giaour et du Pacha (1835).

Sortir des poncifs
Dans les années 1830, Delacroix entreprend également de grandes compositions pour le salon du Roi du Palais-Bourbon, la bibliothèque de la chambre des Pairs au palais du Luxembourg, la galerie des Batailles du château de Versailles, ou encore pour le plafond de la galerie d’Apollon au Louvre – dont est présentée une esquisse conservée à Zurich, Apollon vainqueur du serpent Python. Vers la fin de la carrière de l’artiste proliférent motifs animaliers, scènes de chasse et sujets religieux, ainsi les deux versions du Christ sur le lac de Génésareth (1853), la Lamentation sur le Christ mort (1857) ou encore Disciples et saintes femmes relevant le corps de saint Étienne pour l’ensevelir (1853). Autre ultime thème de prédilection : les natures mortes et paysages, qui permettent de suivre au mieux l’évolution stylistique du peintre. Ses représentations d’animaux sauvages sont plus dynamiques et audacieuses que celles des années 1820 où, en compagnie du sculpteur Barye – dont sont également exposés quelques bronzes –, il exécutait des études de félins au jardin des Plantes. Présentée au Salon de 1831, la grande toile Jeune tigre jouant avec sa mère ne contient pas toute la violence et la sauvagerie de la série de la Chasse aux lions. La Kunsthalle offre deux beaux exemples de cet ensemble exécuté entre 1854 et 1861 : une version datant de 1858 et une autre de 1861, prêtées respectivement par le Museum of Fine Arts de Boston et The Art Institute of Chicago. Deux œuvres qui illustrent la ferveur du sentiment romantique et la rigueur esthétique qui animent tout l’œuvre de Delacroix.

DELACROIX AU-DELÀ DES FRONTIÈRES

Jusqu’au 1er février 2004, Staatliche Kunsthalle, Hans-Thoma-Straße 2-6, Karlsruhe, tél. 49 721 926 38 90, www.kunsthalle-karlsruhe.de, tlj sauf lundi, les 24 et 31 déc., 10h-18h. Cat. en allemand, 400 p., 48 euros.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°181 du 21 novembre 2003, avec le titre suivant : Delacroix, au-delà du romantisme

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