Déconstructions de Matta-Clark

Par Bénédicte Ramade · L'ŒIL

Le 1 mai 2003 - 354 mots

Gordon Matta-Clark, fils du surréaliste chilien récemment décédé Robert Matta, a eu une vie intense dont l’aura reste aujourd’hui singulièrement vive. Disparu l’année de ses trente-cinq ans en 1978, ce jeune prodige laisse derrière lui une carrière artistique fulgurante mais foisonnante.
Vingt-cinq ans après sa mort, il fait désormais figure de légende, un héros qui constitue une référence absolue aux yeux de toute une génération d’artistes trentenaires.
Pourtant, dans les années 1970, il était bien difficile de prédire un tel plébiscite critique. Au début de cette décennie, Matta-Clark sillonnait New York à la recherche d’immeubles abandonnés qu’il sculptait avec sa tronçonneuse. L’idée d’appliquer une relecture sculpturale à des édifices très ordinaires heurta la profession des architectes et transforma la conception même de l’architecture. Radicale, sa démarche de déconstruction des formes et des fonctions dans l’optique d’un changement de vie résolu, rivalisait d’audaces, mais le faisait aussi passer pour un agresseur. De ses interventions plus ou moins sauvages restent des documents photographiques et filmiques de première importance. Découpages de pellicule en projection, des dentelles d’espaces que l’artiste arrivait à ciseler, ces témoignages transposent l’incroyable épopée de cet architecte de formation dont la pièce la plus fameuse, Splitting, fut la division d’un pavillon de banlieue en 1974. Image choc, expérience du foyer revisitée par une découpe minimale mais impitoyable, cette œuvre a installé la démarche de Matta-Clark dans l’exceptionnel. De ses « anarchitectures », il ne reste plus rien, ou plutôt, tout : l’esprit, une inventivité décomplexée qu’il est permis de (re)découvrir, enfin, dans cette exposition londonienne. Elle réunit tous ses chefs-d’œuvre, de Food – un restaurant associatif qu’il ouvrit dans le quartier de SoHo en 1971 et qui devint le centre de la contre-culture new-yorkaise –, à son dernier opus réalisé à Chicago, Circus, dont la virtuosité des coupes fait littéralement perdre l’équilibre. La sortie presque simultanée d’une monographie dense, concoctée pendant quatre ans par Corinne Diserens, devrait finir de confirmer le génie et l’influence de cet artiste sur la création contemporaine actuelle.

LONDRES, Architectural Association School of Architecture, Bedford Square 36, tél. 0207 887 40 00, 6 -30 mai. Gordon Matta-Clark, Phaidon, 75 euros.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°547 du 1 mai 2003, avec le titre suivant : Déconstructions de Matta-Clark

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