« Mes photos ne sont pas sur la ville, mais nées de la ville. La ville moderne comme scène, les passants comme acteurs qui ne jouent pas une pièce mais sont eux-mêmes cette pièce », précisait Dave Heath (1931-2016).
Son livre A Dialogue with Solitude (1965) est passé à la postérité pour l’expression de ses portraits ou détails de scènes de rue saisis au plus près en noir et blanc. L’intériorité des regards souvent absorbés et baissés domine. Leur puissance évocatrice, hors d’un temps, d’un lieu et d’une situation, a valeur universelle. «A Dialogue with Solitude est un autoportrait, le résultat d’une quête, celle de figures anonymes dans lesquelles je me suis reconnu », disait Dave Heath, abandonné par ses parents à 4 ans. Le travail de ce photographe américain est mal connu en France, voire méconnu dans ses différentes approches, notamment de la photographie vernaculaire. Aussi sa programmation au Bal fait-elle figure d’événement. Le parti pris en ces lieux ne s’arrête toutefois pas uniquement sur la présentation de la maquette originale de Dialogue with Solitude et de ses photographies. Il découvre d’autres images réalisées dans la même veine par Dave Heath, notamment sur ses compagnons de guerre de Corée, en 1953-1954. Leur mise en résonance avec trois films cultes du cinéma américain underground des années 1960, évocateurs chacun de la profonde solitude de leur personnage, forme une chambre d’écho de voix en prise avec le contexte politique et sociétal de leur époque. Ce rapprochement de solitudes fonctionne on ne peut mieux, surtout si l’on prend le temps de regarder chaque film, en particulier Portrait of Jason de Shirley Clarke.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°717 du 1 novembre 2018, avec le titre suivant : Dave Heath élève la solitude au rang de titre
