Dans l’objectif d’Ernst Scheidegger

Ce Suisse né en 1923 et disparu en 2016, aurait eu cent ans cette année. Une vie dense, et une carrière divisée en deux grands chapitres distincts que retrace l’exposition. La phase parisienne d’abord, qui le voit photoreporter auprès de l’agence Magnum, et se termine abruptement avec la mort de ses deux collègues et amis, Werner Bischof et Frank Capa, la même année, en 1954. Puis, le retour dans le Zurich d’après-guerre, et le tournant esthétique que prennent ses images. À partir de là, Scheidegger opte pour une photographie introspective, existentialiste, subjective – une collection d’impressions qu’il récolte au fil de ses flâneries en Suisse et à l’étranger : là un clown du cirque Knie suspendu à l’attente de son entrée en scène, ailleurs une mosaïque de visages d’enfants dans l’Italie du sud. Une photographie d’auteur à mille lieues du reportage d’actualité. 80 tirages noir et blanc de Scheidegger, parmi lesquels des tirages d’époque réalisés et signés par le photographe lui-même, sont présentés à Zurich en dialogue avec des œuvres de la collection de la Kunsthaus, mises en rapport avec les artistes qu’il a portraiturés en plein travail : Max Bill, Joan Miro, Hans Arp, Germaine Richier et bien sûr Alberto Giacometti, auquel il dédie de longues séries dans son atelier de Montparnasse. Ces portraits d’artistes, capturés dans leur quotidien, tantôt absorbés par leur travail, tantôt distants avec l’objectif ou au contraire dialoguant avec le photographe, sont des témoignages sans égal et restent la marque de fabrique de ce discret photographe.