Histoire

GRANDE GUERRE

Dans l’intimité des familles en guerre

Par Francine Guillou · Le Journal des Arts

Le 4 juillet 2018 - 455 mots

En évoquant tragédies familiales et bouleversements sociaux dans un même parcours, le Musée de la Grande Guerre mêle de manière sensible grande et petite histoire.

Meaux (Seine-et-Marne). Le Musée de la Grande Guerre à Meaux atteint cette année l’âge de raison. Pour souffler ses sept bougies, « Familles à l’épreuve de la guerre » a obtenu le label « Exposition d’intérêt national », une première pour l’institution. Cette présentation, entre histoire, ethnographie et sociologie, revient sur les ravages causés par la guerre dans les familles françaises et européennes.

D’un propos sombre et tragique, l’historien Jean-Yves Le Naour tire un parcours sensible et touchant, sans jamais sombrer dans le pathos. La force de l’exposition réside dans le choix des quelque 300 objets présentés, entre lettres, photographies, uniformes, objets et œuvres d’art. Ces objets, témoignages de destins individuels, font chacun entendre leur voix dans le grand récit d’un événement qui fit 1,4 million de morts et changea la face de l’Europe.

600 000 lettres par jour

Au début du parcours, un globe de mariée : Marie Fontalba y a placé sa couronne de fleurs d’oranger après son mariage en 1909 avec Edmond Cassagneau. En 1916, la jeune veuve y a ajouté le képi du défunt… Mis en valeur et contextualisé, l’objet émeut sans excès, et s’accompagne d’une notice très documentée dans le catalogue. Le reste du parcours montre le même respect des objets, mis à bonne distance pour les plus tragiques. Surtout, l’exposition fourmille de renseignements et d’anecdotes illustrant la vie quotidienne entre front et arrière, et montre le lien épistolaire puissant qui unit les soldats à leur famille. 600 000 lettres et 40 000 paquets sont acheminés par les services postaux chaque jour. Pour ceux qui n’ont pas de famille, le vaguemestre (postier militaire) apporte les lettres de marraines de guerre et les colis des dames patronnesses, bonnes pensées qui évoluent parfois vers le flirt plus ou moins appuyé. Écrire, toujours, jusqu’au silence ou au retour pour les plus chanceux. En 1918, 700 000 veuves peuplent les rues de noir. Une industrie commerciale du deuil se constitue, des prothèses de bras évoquent les gueules cassées et les blessés revenus du front.

Pour la famille Prost, dont le musée conserve les archives, le deuil du fils commence. Roger Prost est porté disparu en 1914. Sa famille ne sera fixée sur son sort qu’en 1922, après moult démarches : une photographie de sa tombe au cimetière militaire de Tracy-le-Mont (Oise) et sa plaque d’identité militaire sont enfin envoyées à sa famille. « Nous sommes tous les enfants de 14 », selon Jean-Yves Le Naour, qui voit dans les bouleversements sociaux engendrés par la guerre la mutation accélérée de la structure familiale : autorité partagée, émancipation des femmes, place plus grande accordée à l’enfant.
 

familles à l'épreuve de la guerre

jusqu'au 2 décembre, Musée de la Grande Guerre, rue Lazare-Ponticelli, 77100 Meaux.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°505 du 6 juillet 2018, avec le titre suivant : Dans l’intimité des familles en guerre

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