Dan Peterman, une écologie du recyclage

L’Américain s’inspire de l’univers industriel du Creux de l’enfer, à Thiers

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 5 février 1999 - 503 mots

Les fins de siècle sont souvent des périodes de remises en question formelles et intellectuelles. Après la révolution industrielle, et à l’heure de la « propreté électronique », Dan Peterman développe à Chicago une écologie du recyclage et de la transformation qui n’est pas dénuée de poésie.

THIERS - Il est des rencontres évidentes, comme celle de Dan Peterman et du Creux de l’Enfer. Encaissé dans la Vallée des Usines, haut lieu d’une industrie coutelière de nos jours quelque peu sinistrée, le centre d’art contemporain de Thiers apparaît aujourd’hui encore dans sa patine industrielle d’un temps révolu. L’artiste américain a d’ailleurs été sensible au lieu et à son contexte, puisqu’il a réalisé une vidéo dans l’une des forges de la région. Dans une esthétique très documentaire, le film projeté contre un mur du premier étage présente la fabrication de quelques outils, tous rouges encore de leur acier en fusion. En regard, un moniteur diffuse en permanence une turbine située au second sous-sol du centre d’art, tout près de la rivière qui coule à ses pieds. Dan Peterman développe ailleurs encore son intérêt pour les cycles de transformation, à travers des pièces déjà montrées en juin dernier à la Kunsthalle de Bâle. L’artiste y utilise le plastique, matière par excellence non organique, non biodégradable, mais recyclable. Il a créé un mur d’archives, ensemble de boîtes correspondant à la quantité de plastique consommée par une personne âgée de 21 ans, 156 jours, 10 heures, 17 minutes et 6 secondes. Une partie du rez-de-chaussée du Creux de l’Enfer a en outre été recouvert d’un véritable plancher conçu à partir de plaques de plastique recyclé, aux teintes incertaines virant allègrement du gris au vert. De même, Peterman a installé trois troncs d’arbre qui correspondent à l’énergie – des Business Miles - qu’il a utilisée avec son véhicule dans le cadre de son travail. Ainsi a-t-il calculé la quantité de carbone contenue dans chacun des troncs, avant de la comparer au volume de monoxyde et de dioxyde de carbone rejeté par sa voiture. Le militantisme écologique de Dan Peterman dépasse même le monde fermé de l’art contemporain. Il est à l’origine d’un projet communautaire qui se développe depuis 1990 à Chicago, au sein d’ateliers de récupération. Il a également acheté six actions cotées en bourse donnant le droit d’envoyer l’équivalent d’une tonne de monoxyde de souffre dans l’atmosphère, afin de dénoncer un marché de la pollution mis en place par les autorités américaines. Peterman a aussi réutilisé à Thiers une section de ses bancs en plastique déjà installés dans un parc de Chicago, qu’il a placée dans une serre en Plexiglas construite au premier étage du bâtiment. Une fenêtre ouverte permet ici de régénérer l’atmosphère du petit espace, et favorise tout au moins un échange d’énergie entre l’intérieur et l’extérieur, toujours dans la même logique, dans une même écologie du recyclage.

DAN PETERMAN

Jusqu’au 14 février, Le Creux de l’Enfer, Vallée des Usines, Thiers, tél. 04 73 80 26 56, tlj sauf mardi 10h-12h, 14h-18h, samedi et dimanche 14h-19h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°76 du 5 février 1999, avec le titre suivant : Dan Peterman, une écologie du recyclage

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