Rétrospective

Cournault ou l’éclectisme

Par Itzhak Goldberg · Le Journal des Arts

Le 29 mars 2016 - 496 mots

Guidé par la curiosité, Étienne Cournault fut un artiste que les multiples explorations vers l’Art brut, cubiste, surréaliste… rendent inclassable.

NANCY - La lumière formidable, les couleurs fines et discrètes des cimaises donnent un éclat particulier à la traversée du Musée des beaux-arts de Nancy et de ses collections qui s’étalent du XIVe jusqu’au XXe siècle. C’est dans ce cadre qu’a lieu l’exposition d’Étienne Cournault (1891-1948) dont le musée possède des fonds importants, enrichis par de patientes acquisitions depuis des décennies. Étrange parcours que celui de cet « artiste local » en quelque sorte – Cournault est né à Malzéville, près de Nancy. Le commissaire, Christian Debise, parle d’un créateur inclassable, terme élégant pour remplacer celui d’éclectisme. De fait, quand on suit les différentes sections de l’exposition, on a pratiquement l’impression de se trouver face à plusieurs artistes, tant les styles, les supports et les techniques varient. On n’est pas étonné d’apprendre que Cournault admirait Picabia, ce maître-caméléon.

Expérimentation de techniques
Plus troublant, l’œuvre de Cournault semble hésiter entre un penchant pour la décoration – y compris pour la fabrication d’objets – et la peinture. Ainsi, dans la première section on trouve des travaux sous verres réfléchis en miroir, installés dans des cadres profonds, mi-objets décoratifs, mi-tableaux (Le Jupon, 1927). Ce n’est pas une simple coïncidence si ces œuvres attirent l’attention du couturier et collectionneur Jacques Doucet à la première exposition de Cournault en 1928. L’artiste change par la suite de registre et s’intéresse à une forme artistique nettement plus fruste, réalisant une série de graffitis inventifs. Ces figurines faussement enfantines évoquent déjà les œuvres, plus tardives, de Dubuffet. D’ailleurs, comme le père de l’Art brut, Cournault varie sans cesse les matériaux et les supports. Ainsi, il fait appel au sable qu’il mélange à des pigments encore frais et obtient une surface régulière qui absorbe la lumière. Plus étonnante est sa technique de la fresque, une technique ancienne, « archaïque », qu’il pratique sur ciment, poterie ou encore métal. Ces œuvres, comme les peintures sur sable, ont une surface mate, légèrement rêche. Tout laisse à penser que Cournault, pris par ses diverses expériences, néglige parfois l’aspect pictural, ici de qualité inégale.

En revanche, les visages dans la section « Têtes, figures et masques » offrent un éventail plus riche de cette création. Ces faces éclatées, ces « portraits » sans nom, s’éloignent de la tradition humaniste dont hérite le visage, récusent les critères classiques de la psychologie ou de l’expression (la très belle Tête sombre, 1929-1946). Puis, suivent des travaux proches du surréalisme, mouvement dans lequel on range souvent Cournault, faute de mieux. Affiliation qui se justifie avec une œuvre comme La Neige (1944), une peinture sous verre et feuilles d’or,  dont les lignes en spirale décomposent la figure et la transforment en mouvement. L’artiste refuse cette appartenance et déclare : « La folie (surréaliste) voulue est bien facile. Si j’avais voulu glisser sur cette pente, j’aurais été plus loin qu’eux. » On ne le saura jamais.

Etienne Cournault. La part du rêve

Jusqu’au 26 mai, Musée des beaux-arts de Nancy, 3 place Stanislas, 54000 Nancy, tél. 03 83 17 86 77, www.mban.nancy.fr, tlj sauf mardi 10h-18h, entrée 6 €. Catalogue éditions, Snoeck, 22 €.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°454 du 1 avril 2016, avec le titre suivant : Cournault ou l’éclectisme

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