Constantin Guys, le peintre de la vie moderne

L'ŒIL

Le 1 janvier 2003 - 394 mots

Le nom de Constantin Guys (1802-1892) reste indissociable du nom et de l’œuvre de Charles Baudelaire, qui lui consacra l’un de ses plus beaux textes de critique d’art, Le Peintre de la vie moderne. Ce chef-d’œuvre est à la fois l’analyse pénétrante de l’art de Guys et la synthèse des idées du poète sur la modernité. Ce merveilleux parrainage aurait dû être le plus sûr des viatiques pour la postérité. Il n’en fut rien. Pour plusieurs raisons, dont la principale est que l’on jugea l’artiste trop petit pour mériter un tel hommage, trop fragile pour soutenir l’ampleur des vues théoriques développées par le poète. C’est Manet, et non Guys, qui aurait dû être ce « peintre de la vie moderne »... Cette supposée fragilité tient à l’attitude même de l’artiste, qui n’eut jamais l’ambition d’être peintre, et qui travailla toujours sur papier, en accordant peu de valeur à ses productions. Il vendait ses dessins par lots, pour trois sous, ce qui explique que ses principaux collectionneurs soient des artistes et des poètes, Baudelaire, Gautier, Nadar, Manet... Se considérait-il seulement comme un artiste, au sens traditionnel du terme ? Sûrement non. Il fut une sorte d’artiste-reporter, et l’essentiel de sa carrière se passe en voyages dans des pays où il « couvre » l’actualité politique, sociale et mondaine. D’Espagne, d’Italie, d’Allemagne, de Turquie, d’Egypte ou de Crimée, il envoie des dessins, principalement à l’Illustrated London News (de 1840 à 1860), qui les transcrit en gravures et les édite. Il fut aussi le chroniqueur de la vie mondaine et populaire du Second Empire et de la Troisième République, avec une prédilection marquée pour le thème de la femme. Ce sont surtout ses dessins d’élégantes, de demi-mondaines et de filles des rues qui fascinèrent Baudelaire. Et c’est cet aspect qui est traité dans l’exposition, avec un magnifique ensemble puisé dans les collections du Musée Carnavalet et du Petit Palais. Souhaitons qu’elle entraîne une véritable réhabilitation de cet artiste qui, s’il ne fut pas un « grand » maître, n’en fut pas non plus un « petit » ; mais qui, justement par sa position décalée vis-à-vis de la tradition picturale, a su saisir, à merveille, les aspects fugaces, fragmentés, changeants, la grandeur et les misères de la vie moderne.

PARIS, Musée de la Vie romantique, 16, rue Chaptal, tél. 01 55 31 95 67, 8 octobre-5 janvier.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°543 du 1 janvier 2003, avec le titre suivant : Constantin Guys, le peintre de la vie moderne

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