Le Frac Lorraine révèle l’œuvre inégale mais percutante de cette féministe des années 1970.
Metz (Moselle). Assemblages surréalistes, corps déformés, insectes brodés… La singularité de Clemen Parrocchetti (1923-2016) n’a pas échappé à la directrice du Frac (Fonds régional d’art contemporain) Lorraine lorsqu’elle l’a découverte à la foire Art Basel l’an passé. L’institution messine met à l’honneur l’esprit inventif de cette figure oubliée de l’art.
Clemen Parrocchetti s’inscrit dans la veine des artistes féministes qui se sont réapproprié les travaux d’aiguille dans les années 1970. Son esthétique do-it-yourself et sa dénonciation de l’assignation des femmes à la sphère domestique, teintée d’humour, rappellent les œuvres de Raymonde Arcier. L’Italienne ne souffre pourtant pas la comparaison. À l’aide de motifs récurrents (bouches, yeux, seringues, nuages) et d’accessoires de couture, Parrocchetti déploie un univers au caractère grotesque assumé. Totems, bannières et théâtres miniatures mettent en scène les rapports de force entre les genres. L’artiste déforme les corps et les représente dans des postures impudiques : dans une peinture, une femme, cigarette à la bouche, écarte les jambes et dévoile sa vulve, et ce dix ans avant Birth Tear/Tear (1985) de Judy Chicago.
Toutes les œuvres de l’exposition ne sont cependant pas mémorables. Certains assemblages de petits objets sont assez pauvres d’un point de vue technique et plastique. Dans des œuvres comme Métamorphose d’une procession (1978) et Hors du ghetto encerclé (1974), Parrocchetti peine à traduire ses revendications militantes. Elle possède en revanche un talent indéniable pour le dessin et ses tableaux peuplés d’êtres étranges font sensation. Ses compositions témoignent de l’influence des surréalistes : Sans titre (torturé et réprimé) [1976] fait notamment écho à Tous les éléments, une toile de 1950 de Toyen. L’artiste est aussi convaincante dans le registre de la broderie. La série des « Mites » en est un bon exemple.
L’exposition insiste avec raison sur l’importance du collectif dans sa démarche. Un espace d’archives présente son activité au sein du collectif féministe Immagine de Varèse. L’installation Barrière (1978), créée par le groupe, se déploie dans l’une des salles. La commissaire ne lésine pas non plus sur la contextualisation : des théories du féminisme marxiste à la légalisation de l’avortement, l’exposition souligne l’ancrage politique de l’artiste.
L’œuvre de Parrocchetti est une belle découverte et sa réhabilitation, tout à fait justifiée. Malgré une œuvre inégale, l’Italienne mérite sa place au sein de la famille des créatrices textiles féministes des années 1970.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°655 du 9 mai 2025, avec le titre suivant : Clemen Parrocchetti, pionnière méconnue





