Paris

Claude Gellée, le trait libre

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 20 juin 2011 - 595 mots

Trente ans après le Grand Palais, le Musée du Louvre prend le risque d’exposer Claude le Lorrain au travers de ses dessins.

PARIS - Alors que l’exposition « Nature et idéal », récemment présentée au Grand Palais, à Paris, n’a pas su trouver son public, le Musée du Louvre prend à son tour des risques en consacrant la moitié des espaces d’exposition du hall Napoléon à Claude Gellée, dit le Lorrain (1600 ou 1604/1605-1682). Le pari est osé car l’exposition ne présente quasiment que des dessins. De surcroît, des dessins de paysage. Pourtant, si elle s’adresse plus aux amateurs qu’au grand public – ce qui en fait un havre de paix au milieu de la fourmilière du Louvre –, cette exposition est loin d’être dénuée d’intérêt. Car depuis la grande monographie organisée en 1983 au Grand Palais, cet artiste à succès du XVIIe siècle, très prisé des Anglais, ne semblait plus être un sujet à explorer. Lorrain de naissance, Claude Gellée a toujours été un peintre plus romain que français. Arrivé dès 1617 dans la cité pontificale, il y effectue toute sa carrière après s’être formé au contact d’Agostino Tassi et de Goffredo Wals. C’est là aussi qu’il rencontre le succès, vers 1635, auprès de tout ce que la ville compte alors de grands collectionneurs. 

Deux fonds graphiques
Organisée en partenariat avec le Musée Teylers de Haarlem, cette exposition permet de confronter les fonds graphiques, d’une grande qualité, du musée néerlandais et du Louvre, enrichi pour ce dernier par la donation d’Edmond de Rothschild. Les feuilles du Liber Veritatis, conservées au British Museum, à Londres, n’ont pas été sollicitées en prêt. Le Lorrain y copiait méticuleusement ses tableaux pour contrôler étroitement sa production et décourager ainsi les faussaires. En matière de dessins, sa production est en revanche demeurée longtemps énigmatique. Le peintre en a laissé un ensemble riche de plus de 1 100 feuilles, comme l’a établi, en 1968, le catalogue de Marcel Röthlisberger. Leur vocation a longtemps été discutée par les spécialistes. Il semblerait en effet que rares soient les feuilles à avoir servi d’étude préparatoire à ses tableaux. Une exception permet d’esquisser une explication. La feuille figurant L’Onction de David par Samuel a été dessinée vers 1643 pour préparer le tableau du Louvre, exposé ici à ses côtés. Le trait, d’ordinaire si libre, y semble méticuleux, la figure parfois mal maîtrisée. Peu à l’aise dans la peinture d’histoire, qu’il pratiquait moins souvent, le Lorrain aurait-il alors ressenti le besoin de s’adonner à l’étude ? Tel n’est pas le cas dans les deux célèbres livres compilant quelques-uns de ses dessins, La Campagna et le Livre de Tivoli, aujourd’hui démembrés. Commencé en atelier et achevé en plein air, ce dernier révèle un dessinateur au sommet de son art et de sa technique. Dans le Sous-bois ensoleillé, vers 1640-1645, le papier blanc est gardé en réserve pour former une grande tache blanche, renforçant ainsi l’effet de coup de soleil. Quelques tableaux apportent enfin une respiration colorée à cette exposition quelque peu monochrome. Ainsi du grand Parnasse d’Édimbourg (1652), magnifique tableau rarement exposé hors d’Écosse, qui marque un infléchissement dans l’art du peintre vers une idéalisation du paysage, dans l’esprit de Carrache. Nul doute que le tableau aurait pu – ou dû – figurer en bonne place au sein de l’exposition du Grand Palais qui vient de refermer ses portes. 

CLAUDE LE LORRAIN

Commissaires : Carel Van Tuyll, directeur du département des Arts graphiques, Musée du Louvre ; Michiel C. Plomp, conservateur en chef, Musée Teylers ; Federica Mancini, chargée d’expositions, département des Arts graphiques, Musée du Louvre

Claude Le Lorrain. Le dessinateur face à la nature

Jusqu’au 18 juillet, Musée du Louvre, hall Napoléon, tlj sauf mardi 9h-18h, 22h le mercredi, www.louvre.fr. Catalogue, 316 p., coéd. Somogy/Musée du Louvre, 29 euros, ISBN 978-2-75720-279-1.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°350 du 24 juin 2011, avec le titre suivant : Claude Gellée, le trait libre

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