Christian de Portzamparc, du fragment à l’œuvre complète

Une rétrospective majeure au Centre Pompidou

Le Journal des Arts

Le 1 mai 1996 - 721 mots

Le Centre Georges Pompidou présente une importante rétrospective de l’œuvre de Christian de Portzamparc, qui fait apparaître l’universalité de la réflexion de l’architecte tout autant que l’importance et la variété de sa production. Après les récompenses du Pritzker Price en 1994 et de l’Équerre d’argent en 1995, cette exposition offre une consécration publique à un architecte au style flamboyant, dont la démarche nous rappelle cependant en permanence à l’exigence de communauté.

PARIS - Pour la grande rétrospective de son œuvre organisée par le Centre Pompidou, Christian de Portzamparc a visiblement tenu à dévoiler toute l’ampleur de son travail. Un peu plus de vingt années d’une carrière prolifique sont exposées, depuis le château d’eau en forme de tour de Babel construit à Marne-la-Vallée en 1974 jusqu’à la récompense du prestigieux Pritzker Price en 1994. Vingt années qui sont aussi celles d’un cycle de vie, celui de l’âge adulte d’un homme né en 1944 à Casablanca et qui semble avoir choisi ce moment pour révéler les arcanes intellectuelles de son œuvre.

L’exposition convie en effet autant à la découverte des projets qu’à celle de la pensée qui les sous-tend. Publiés dans l’album de l’exposition, de nombreux textes (dont une introduction de Philippe Sollers) et entretiens explicitent cette pensée, tandis que la structure de l’exposition – ainsi que quelques "œuvres clefs" savamment disposées – nous y donne accès de manière plus implicite.

Trangression jubilatoire
Pédagogiquement, trois "galeries" sont proposées au visiteur. La première, celle de l’"imaginaire", est consacrée aux travaux préalables ou parallèles (dessins, peintures) à l’œuvre architecturale. Ceux-ci font apparaître l’importance prépondérante accordée par l’architecte à la question de la fragmentation de l’écriture architecturale, tant du point de vue stylistique que plastique, résumée par une "installation" datée de 1973. Celle-ci présente la photo d’un morceau de modénature fracturée par la division verticale du tableau sur lequel elle est dessinée. Première œuvre parisienne de l’architecte, l’opération de logements des Hautes-Formes livrée en 1979, proposant une multitude de hauts volumes disjoints là où l’on attendait un îlot d’immeubles bas et compact, viendra donner une première et convaincante illustration de cette démarche. Mieux connue du grand public, la Cité de la musique de La Villette, inaugurée en 1995, en marquera la maturité, faisant jaillir comme les éclats d’une trangression architecturale jubilatoire des formes quasiment licencieuses, sensuellement enroulées autour d’une spirale.

Prodigalité et vitalité
La galerie centrale, partie principale de l’exposition, exemplifie la démonstration. À l’instar d’un véritable projet, elle présente sous forme de volumes éparpillés dans un grand vide fédérateur, six "scènes d’ateliers" ("du tissu urbain", "institutions et monuments urbains", "écoles d’art", "cinq morceaux en forme de ville", "l’îlot ouvert", "tours") regroupant en tout quarante et un projet. Le visiteur ne pourra qu’être frappé par la prodigalité et la vitalité de ce travail. La fragmentation de l’architecture donne la mesure de son efficience, se déclinant avec la même constance du plus petit projet jusqu’aux grandes propositions d’urbanisme, au risque parfois de l’overdose obsessionnelle mais avec, à la clef, quelques projets véritablement émouvants, surprenants d’élégance et de fraîcheur spontanée.

Ainsi peut-on redécouvrir (avec regret) le projet non retenu en 1983 lors du concours de l’Opéra de la Bastille, admirer les courbes tendues, presque féminines, du récent immeuble de bureaux LVMH à New York, ou encore les splendides jeux de lumières et de couleurs sur la façade du complexe culturel Bandaï à Tokyo. Mettant en jeu l’espace public, c’est-à-dire la forme construite de la communauté, les propositions d’urbanisme permettent de comprendre l’ambition de ce travail sur la fragmentation et le symbolique, que l’étymologie grecque du mot symbole indiquait déjà : "objet coupé en deux constituant un signe de reconnaissance quand les porteurs pouvaient en assembler les deux morceaux".
 
Aussi important que les fragments eux-mêmes, le vide qui les sépare et les assemble d’un même mouvement, indique en creux l’espace d’une communauté promise, que la forme urbaine se doit de rendre possible. L’exposition se termine par la galerie dite du "réel" présentant, sous forme de diapositives projetées, un certain nombre de réalisations que le visiteur peut ainsi mieux connaître avant d’aller à la rencontre d’une œuvre qui sait partager.

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC, SCÈNES D’ATELIER, jusqu’au 27 mai, Centre Georges Pompidou, Galerie nord, de 12h à 22h en semaine (excepté le mardi) et de 10h à 22h samedi et dimanche. Album édité par le Centre Georges Pompidou, 96 p., 160 F.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°25 du 1 mai 1996, avec le titre suivant : Christian de Portzamparc, du fragment à l’œuvre complète

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