Suisse - Art ancien

XIXE SIÈCLE

Chez Anker, l’enfance comme symbole

Par Élisabeth Santacreu · Le Journal des Arts

Le 28 février 2024 - 452 mots

Toute sa vie, le peintre a représenté les enfants dans leur vie quotidienne comme s’ils personnifiaient à ses yeux le tout jeune État suisse.

Martigny (Suisse). Sur les 796 œuvres que compte le catalogue raisonné d’Albert Anker (1831-1910), 500 représentent des enfants, selon Matthias Frehner, commissaire de l’exposition consacrée au peintre à la Fondation Pierre Gianadda. Le corpus présenté de 135 tableaux et œuvres sur papier en provenance de multiples musées et collections particulières suisses, et de deux musées français, est donc très représentatif du travail de l’artiste.

Considéré comme le peintre national suisse, Anker dépasse le cadre de la Confédération par son importance artistique. Fréquentant de 1854 à 1856 l’atelier parisien où enseignait son compatriote Charles Gleyre, il s’est formé à l’École des beaux-arts entre 1855 et 1860, devenant un représentant du réalisme international. Jusqu’en 1890, il a vécu, avec sa famille, l’hiver à Paris, exposant au Salon de 1859 à 1890, et l’été dans sa ferme d’Anet, un village du canton de Berne où il puisait ses sujets. C’est là qu’il était né dans une famille bourgeoise et cultivée (son père était vétérinaire) et qu’il est mort.

L’innocence pour sujet

Passé le début de sa carrière où il s’est essayé, dans les années 1860, au style néo-grec de Gleyre et à la scène de genre historiciste, il s’est concentré essentiellement sur deux types de sujets : les enfants et adolescents, et les scènes de la vie rurale suisse. Il est difficile de savoir ce qui l’a tant attaché au thème des enfants. C’est peut-être le souvenir de son frère aîné et de sa petite sœur morts en 1847 et 1852 (ce père très attentif perdra lui-même deux petits garçons). Par souci de sa carrière, il s’est aussi probablement conformé au goût du public qui, au milieu du XIXe siècle, découvrait Jean Siméon Chardin. Surtout, il éprouvait une empathie profonde, rousseauiste, pour des êtres dont le visage, comme celui des vieillards, laisse paraître leurs émotions et leur vie intérieure – dans le catalogue, Matthias Frehner remarque qu’il n’a pas peint d’enfants hyper-actifs.

Anker était engagé dans la vie publique du tout jeune État fédéral suisse, notamment dans le domaine de l’art, et il a fait partie de la Commission scolaire et du Conseil de paroisse d’Anet. En 1898, il a fait paraître un article consacré au développement des jeunes enfants, pour lequel il a utilisé ses propres observations. Très inséré dans la vie parisienne mais profondément attaché à son pays, où se trouvaient la plupart de ses collectionneurs, il a choisi d’exalter les valeurs de travail et d’entraide d’une vie rurale idéalisée, un monde où tous les enfants sont doux, réfléchis et curieux, portant la promesse d’un avenir démocratique et prospère.

Anker et l’enfance,
jusqu’au 30 juin, Fondation Pierre Gianadda, 59, rue du Forum, 1920 Martigny, Suisse.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°628 du 1 mars 2024, avec le titre suivant : Chez Anker, l’enfance comme symbole

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