Gravure

Chagall livresque

Le Journal des Arts

Le 2 août 2007 - 529 mots

Le Musée départemental Matisse explore le rôle de l’estampe dans les ouvrages illustrés par l’artiste russe.

 LE CATEAU-CAMBRÉSIS - « Il me semble que quelque chose m’aurait manqué si, à part la couleur, je ne m’étais pas occupé aussi, à un moment de ma vie, des gravures et des lithographies.[…] En tenant une pierre lithographique ou une plaque de cuivre je croyais toucher un talisman. En elles il me semblait que je pouvais placer toutes mes tristesses et toutes mes joies… » Avec cette première présentation – dans le cadre de l’opération « Feuille à feuille » organisée par les musées du Nord - Pas-de-Calais – de la totalité des livres d’artistes illustrés par Chagall, le Musée départemental Matisse du Cateau-Cambrésis (Nord) nous plonge dans l’intimité poétique du peintre russe. Chacun des cinq ouvrages de la donation d’Alice Tériade en 2000 fait l’objet d’une section séparée. De nombreux témoignages du peintre émaillent le parcours et rendent compte de son investissement affectif dans les projets commandés par Ambroise Vollard, de 1926 jusqu’à sa mort en 1939, puis par Tériade, et édités par ce dernier.
Au commencement, le souvenir nostalgique de la Russie aurait guidé Chagall dans le choix des Âmes mortes, de Gogol, qui reprend les thèmes de son pays natal. Une émotion qui atteint son paroxysme dans le dernier ouvrage, Le Cirque (1962-1967), où se lit une fascination pour un spectacle considéré comme une allégorie de la vie et de ses passions.
Les feuilles, non reliées, s’offrent au regard dans des vitrines, en vis-à-vis des gouaches préparatoires et des différents états des gravures. Un travail de maturation qui débute par des voyages visant à s’imprégner des atmosphères. Chagall ramène ainsi de Palestine, en préparation à La Bible (1931-1956), des centaines de peintures. Le nombre des travaux préparatoires – sept états intermédiaires pour La Sortie d’Égypte – témoigne de son obstination dans la recherche laborieuse du rendu souhaité. « Je ne voyais pas La Bible, je la rêvais », disait le peintre. Des toiles issues de collections particulières, comme L’Homme à la tête renversée (1919) ou La Mariée à double face (1927) complètent le dispositif en montrant la récurrence de certains thèmes dans l’œuvre de l’artiste. Un œuvre placé sous le signe de la couleur. Des difficultés techniques obligent pourtant Chagall à transposer les gouaches chatoyantes des Fables (1927-1931) en gravures en noir et blanc, combinant l’eau-forte et l’aquatinte pour obtenir un clair-obscur d’une grande complexité. La subtilité des variations de gris est perceptible dans L’Oiseau blessé d’une flèche tandis qu’avec Daphnis et Chloé (1957-1960) apparaît la lithographie polychrome. Une innovation arrivée à point nommé, pour restituer les vives impressions colorées ramenées de Grèce, patrie natale de Tériade. Certaines planches, comme Printemps au pré ou Banquet de Pan, comptent ainsi jusqu’à 25 couleurs. Pour Le Cirque  enfin, Chagall alterne habilement planches en couleurs et en noir et blanc. Un chapiteau de cirque les accueille dans une mise en scène onirique que n’aurait pas reniée le peintre.

Chagall et Tériade, l’empreinte d’un peintre

Jusqu’au 26 février, Musée Matisse, Palais Fénelon, 59360 Le Cateau-Cambresis, tél. 03 27 84 64 50, tlj sauf mardi, 10h-18h. Catalogue, 200 p., éd. Gourcuff Gradenigo, 39 euros, ISBN 2-35340-012-6.

CHAGALL ET TÉRIADE

- Commissaires de l’exposition : Dominique Szymusiak, conservatrice en chef du Musée départemental Matisse ; Céline Peyre, attachée de conservation du Musée Fabre à Montpellier - Nombre de salles : 5

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°251 du 19 janvier 2007, avec le titre suivant : Chagall livresque

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