Art moderne

Bâle (Suisse)

Camille Pissarro, l’art à tout prix

Kunstmuseum - Jusqu’au 23 janvier 2022

Par Ingrid Dubach-Lemainque, correspondante en Suisse · L'ŒIL

Le 26 octobre 2021 - 334 mots

On croyait tout connaître de ce maître de l’impressionnisme, mais il reste encore beaucoup à découvrir de la « constellation Pissarro ».

C’est le propos de cette passionnante exposition, accueillie dans le musée bâlois qui conserve la plus grande collection de tableaux de l’artiste en Suisse, et conçue autour de la notion d’atelier, chère à un artiste ouvert à l’esprit de collaboration. Ciment de sa biographie, son attachement à sa famille et surtout à ses fils : on retrouve les œuvres de cette dynastie artistique disséminées dans l’exposition en face-à-face, avec les peintures du père Camille et les missives riches en conseils artistiques échangées entre père et fils artistes. Ses idéaux politiques teintés d’anarchisme qui l’amènent à longtemps refuser le marché de l’art et les offres du marchand d’art Durand-Ruel, son engagement sans compromis pour l’art tracent la seconde ligne de cette présentation : expérimentant les techniques (jusqu’au pointillisme et au divisionnisme), explorant sans cesse de nouveaux sujets (la vie rurale qu’il décline sous l’angle rare de la dure vie de labeur paysanne, le paysage, le portrait), Pissarro se remet sans cesse en question, ne renie aucun de ses principes, côtoyant la misère sa vie durant. Ce n’est que dans les dernières années, acculé par les dettes, qu’il connaît un semblant de succès avec ses peintures urbaines (des vues plus sereines de Paris et de ports normands) sur lesquelles se clôt l’exposition. La « constellation Pissarro », enfin, est surtout d’ordre artistique : pour toute une génération d’artistes (Gauguin, Seurat ou Mary Cassatt), il incarne une figure paternelle bienveillante, éveillant les talents ou suscitant des collaborations. Et si Cézanne, avec lequel il noue une véritable relation complice, copie le maître, c’est pour mieux le dépasser en toute liberté. Présentées côte à côte, les versions d’un même paysage peint à Pontoise en 1877 par les deux artistes sont à cet égard édifiantes : d’un côté, les tons fondus et la minutie de la touche de Pissarro ; de l’autre, la ligne claire et géométrique, les coloris tranchés de Cézanne.

« Camille Pissarro, l’atelier de la modernité »,
Kunstmuseum, St. Alban-Graben 16, Bâle (Suisse), kunstmuseumbasel.ch

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°748 du 1 novembre 2021, avec le titre suivant : Camille Pissarro, l’art à tout prix

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