ART CINÉTIQUE

Bury, éloge de la lenteur

Par Itzhak Goldberg · Le Journal des Arts

Le 7 juin 2017 - 531 mots

Bozar montre la face moins connue du travail de l’artiste, attaché au mouvement quasi imperceptible dans la sculpture.

Bruxelles. Aux yeux du passant parisien, l’œuvre de Pol Bury (1922-2005) se résume à la fontaine-sculpture située dans la cour du Palais-Royal, aux côtés des « colonnes de Buren ». Les boules métalliques, dans lesquelles se reflètent les spectateurs, décrivent de lentes rotations, parfois imperceptibles.

Manifestement, cette fontaine n’est pas unique en son genre, la lecture du catalogue renseigne sur d’autres réalisations placées à Bruxelles ou à Anvers – « à chaque région de notre pays nous rencontrons une ou plusieurs fontaines de Pol Bury ». La visibilité du sculpteur belge dans l’espace public de son pays ou ailleurs dans le monde se paye-t-elle par une méconnaissance relative, au moins en France, du reste de sa production plastique ? La très complète rétrospective de Bozar, à Bruxelles, permet de découvrir non seulement ses débuts mais également les différentes disciplines pratiquées : peinture, graphisme, typographie ou création de bijoux.

Certes, le nom de Bury restera dans l’histoire de l’art comme celui d’un pionnier de ce que l’on appelle l’« art cinétique ». Mais c’est avec la peinture qu’il démarre sa carrière, sous l’influence imparable du surréalisme dominé par Magritte. Puis, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, il poursuit avec des œuvres abstraites, des entrelacements organiques et géométriques, à mi-chemin de CoBrA et de la seconde école de Paris.

En 1950, la visite d’une exposition de Calder l’incite à abandonner les limites physiques de la peinture, à quitter la surface plane et à pratiquer le mouvement réel. Le parcours s’attarde sur cette période où l’on voit Bury expérimenter les « Plans-mobiles », soit des surfaces géométriques monochromes formant des reliefs que les spectateurs sont invités à mouvoir (1953). Peu de temps après, c’est l’impulsion électrique qui actionnera les œuvres. Mais le mouvement que cherche l’artiste est un mouvement lent, presque une sensation de glissement. C’est sans doute ce grouillement, parfois inquiétant, qui distingue Bury des créateurs réunis dans l’exposition inaugurale de l’art cinétique à Paris à la galerie Denise René (« Le mouvement », 1955).

Sonorités et fourmillements
Ce sont les « Ponctuations », des alliances entre un panneau fixe et un autre mobile (Ponctuation lumineuse, 1961), ou des œuvres fabriquées à l’aide de cordes en nylon et de cylindres mobiles en bois ou en métal, qui expriment le mieux à la fois les légers tremblements de la matière et les sonorités qui les accompagnent. Parmi ces travaux, la vedette, une sculpture monumentale, 4087 Cylindres érectiles, 1972, fait partie de la collection du Musée national d’art moderne-Centre Pompidou. Sur un mur en bois de chêne noir, des grappes de barrettes de hêtre évoquent des colonies d’insectes qui fourmillent. Mouvement à peine visible qui se situe davantage du côté organique que mécanique.

Ailleurs sont montrées les collaborations entre Bury et d’autres artistes – Yves Klein, Pierre Alechinsky ou les membres du groupe allemand Zéro –, ou encore son engagement dans la fabrication d’œuvres multiples telles que sérigraphies, gravures.

Fallait-il terminer le parcours avec une fontaine un peu kitsch, décrite comme le « clou de l’exposition » ? On ne se méfie jamais assez de l’humour belge.

Pol Bury, Time in Motion

Jusqu’au 4 juin, Bozar, Palais des beaux-arts, rue Ravenstein 23, Bruxelles.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°481 du 9 juin 2017, avec le titre suivant : Bury, éloge de la lenteur

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