PHOTOGRAPHIE

Broomberg & Chanarin, une « Divine violence » très humaine

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 28 février 2018 - 478 mots

Le duo réveille la galerie de photographies du Centre Pompidou avec des images puissantes sur la violence de la guerre, sur lesquelles plane le fantôme de Brecht.

Paris. Près de deux générations séparent David Goldblatt, né en 1930 à Randfontein en Afrique du Sud, et le duo d’artistes Broomberg & Chanarin. Adam Broomberg est né en 1970 à Johannesburg, Olivier Chanarin à Londres, l’année suivante. Si leurs réflexions sur la violence se font écho et que l’on retrouve dans l’accrochage du duo d’artistes des images de l’apartheid, un monde les sépare dans la posture du photographe, la pratique et l’usage du médium. Leur programmation voulue en même temps par le département de la photographie du Musée national d’art moderne est à ce titre fort instructive sur la manière dont chacun se positionne vis-à-vis du sens ou non des images.

Depuis une vingtaine d’années Broomberg & Chanarin sont engagés dans une analyse critique et « pessimiste » – pour reprendre leur terme – de la production, distribution et réception des images à l’ère de leur prolifération et médiatisation exponentielles. Leur refus d’avoir un style les conduit d’ailleurs à concevoir systématiquement des stratégies esthétiques différentes d’un sujet à un autre. Les 57 cadres grands formats de « Divine Violence » entrés dans les collections du Musée national d’art moderne en 2017, mis en ces lieux en dialogue avec l’édition numérotée de War Primer 2 l’illustrent parfaitement. Reste toutefois leur référence commune : Bertolt Brecht, dont les préoccupations vis-à-vis de l’image sont au cœur de ces deux travaux, mais aussi de l’exposition, en véritable maître à penser.

War Primer 2, édité en 2011, est une continuation de Kriegsfibel de Bertolt Brecht (War Primer en anglais). Dans ce livre conçu dans les années 1940-1945, le dramaturge écrivain accompagne de quatrains des photographies de la Seconde Guerre mondiale découpées dans les journaux de l’époque, afin de pouvoir les saisir et les expliquer. Une sélection de pages du livre original est exposée.

Les 57 cadres de « Divine Violence » (2013) sont inspirés, quant à eux, de la Bible de Brecht annotée et insérée d’images qu’il a glissées, mais aussi des écrits sur la Bible d’Adi Ophir vue sous la violence qu’elle contient. « La catastrophe est son mode opératoire, son outil principal de direction », relève le philosophe israélien. Broomberg & Chanarin l’exorcisent. On ne reste ainsi pas indifférent devant les 721 pages de l’ouvrage déployées dans l’ordre et recouvertes de manière discontinue d’images correspondant au paragraphe sélectionné. Redoutables, voire insoutenables, sont les juxtapositions des textes et des photographies de conflits, de génocides, de catastrophes couplées à des images de villégiature ou de sexe, toutes issues de la banque de documents de l’Archive of Modern Conflict, mais ô combien puissantes dans leur radicalité sur l’inexorable violence de l’être humain.

 

 

Broomberg & Chanarin. Divine violence,

 

 

jusqu’au 21 mai, galerie de photographies, Centre Pompidou, place Georges Pompidou, 75004 Paris.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°496 du 2 mars 2018, avec le titre suivant : Broomberg & Chanarin, une « Divine violence » trÈs humaine

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