Biennale du Whitney : plus d’étrangers

Soixante-dix artistes dont sept étrangers réunis à New York

Le Journal des Arts

Le 4 avril 1997 - 754 mots

Par tradition strictement réservée à l’art contemporain américain, la Biennale du Whitney innove : co-organisée cette année par un commissaire d’exposition extérieur au musée, elle accueille sept artistes \"étrangers\".

NEW YORK (de notre correspondant) - Lisa Phillips, conservateur au Whitney depuis 1977, qui a déjà participé à l’organisation de cinq biennales, et Louise Neri, spécialiste australienne de l’art contemporain et, depuis 1990, rédactrice en chef pour les États-Unis de la revue zurichoise Parkett, sont les deux commissaires de la Biennale 1997 du Whitney Museum. C’est la première fois qu’une personne extérieure au musée – consacré exclusivement à l’art américain - co-organise l’exposition. Après un tour du monde, la visite de centaines d’ateliers, la vision de milliers de diapositives, Lisa Phillips et Louise Neri ont retenu deux cents œuvres réalisées ces deux dernières années par soixante-dix artistes travaillant aux États-Unis. Ce nombre est un peu plus important qu’en 1995, puisque davantage de place a été accordée aux films, aux vidéos, à l’art faisant appel à l’électronique ou aux performances.

La dernière Biennale avait, en réagissant à la récente signature du North American Free Trade Agreement (Accord nord-américain de libre échange), exposé le Mexicain Julio Galan et le Canadien Jeff Wall. Pour sa soixante-neuvième édition, elle s’ouvre plus largement encore en invitant sept étrangers. "La nationalité américaine a longtemps été obligatoire, souligne Lisa Phillips, mais nous ne pensons pas que ce soit actuellement un critère essentiel. Beaucoup d’artistes habitent et travaillent aux États-Unis et contribuent largement à la vie culturelle du pays". Le musée considère cette nouvelle ouverture comme "une reconnaissance de la diversité de l’art aux États-Unis et un changement de définition du nationalisme américain".

Les exposants ont entre vingt-deux et quatre-vingt-cinq ans, mais la moyenne d’âge est d’environ vingt-cinq ans. "Nous avons mis l’accent sur les jeunes artistes, précise Lisa Phillips. La plupart des visiteurs viennent à la Biennale pour être informés des nouvelles tendances". Pourtant, un certain nombre d’artistes reconnus figurent également dans l’exposition. Louise Bourgeois présente une installation réalisée avec ses propres vêtements, à côté d’une vidéo de Bruce Nauman qui transforme une chanson folklorique des Appalaches en lamentation apocalyptique. La Biennale montre également des pastels érotiques de l’Italien Francesco Clemente, une instal­lation vidéo de Dan Graham, des têtes parlantes projetées en vidéo de Tony Oursler, ou des tableaux de Vija Celmins, Richard Prince, Edward Ruscha, Sue Williams...

Si plus de la moitié des participants vivent à New York, un large espace a été réservé aux artistes de Los Angeles, dont l’importance est ici reconnue. Parmi les créateurs de la côte Ouest, l’exposition réunira Chris Burden, Raymond Petitbon, Jennifer Pastor, Sharon Lockhart, Paul McCarthy, Martin Kersels, Diana Thater, Doug Aikins et Lari Pittman.

Selon Louise Neri, "nous ne voulions pas faire un catalogue de toutes les tendances de l’art américain, ni montrer quels étaient les quarante meilleurs artistes du moment", puisque l’art abstrait et le courant réaliste traditionnel ne sont pas représentés. "Nous avons voulu poser des questions de fond. Que signifie être artiste à la fin de ce siècle ?, poursuit Lisa Phillips. Pour répondre au monde, l’artiste peut créer son propre univers, ses histoires à lui qui recoupent notre réalité à tous. Il nous semble qu’il se produit un fort retour au conte et à la narration, tandis que les artistes portent plus d’attention aux choses faites à la main et à l’élaboration du processus créatif, que ce soit dans la fabrication ou dans la recherche". L’artiste d’origine pakistanaise Shazia Sikander réalise par exemple des répliques modernes de miniatures indiennes traditionnelles.

L’ancienne génération privilégie au contraire l’installation et les œuvres en trois dimensions, à l’image de l’artiste russe Ilya Kabakov ou de Charles Long, qui a aménagé un auditorium diffusant de la muzac composée par le Stereolab de Londres. Pour la première fois dans l’histoire de la Biennale, les organisateurs ont choisi eux-mêmes les films et vidéos. "Nous avons conçu l’exposition comme un tout, et non comme un assemblage d’œuvres disparates, explique Louise Neri. Nous nous sommes efforcées de montrer l’importance du film et de la vidéo en les rendant visibles à tous les niveaux, des installations aux simples écrans". La photographie est aussi très présente, avec des photos de rue de Philip-Lorca di Corcia, les fragments de la vie quotidienne du Mexicain Gabriel Orozco ou les photos d’enfants du monde de Wendy Ewald.

Biennale du Whitney, jusqu’au 1er juin, Whitney Museum of American Art, 945 Madison Avenue, New York, tél. : 212 570 36 76, tlj sauf lundi et mardi 11h-18h, jeudi 13h-20h. Catalogue distribué par Harry N. Abrams.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°35 du 4 avril 1997, avec le titre suivant : Biennale du Whitney : plus d’étrangers

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