Art contemporain - Biennale

Biennale de Lyon : une édition foisonnante

Par Anne-Cécile Sanchez · Le Journal des Arts

Le 26 septembre 2022 - 850 mots

LYON

Malgré les nombreuses difficultés rencontrées cette année, cette 16e édition de la Biennale de Lyon affirme son exigence et son ouverture : à la ville, à l’histoire et au monde. C’est aussi la dernière à occuper le site des anciennes usines Fagor.

Lyon. Conçue entre une pandémie et une guerre en Europe, cette Biennale reportée d’un an et placée, comme l’indique son titre, « Manifesto of Fragility », sous le signe de la fragilité, apporte la démonstration qu’un parcours d’obstacles peut déboucher sur une perspective réjouissante. La condition universelle de vulnérabilité a servi de fil rouge, et de carburant à une résistance collective organisée par les deux commissaires, Sam Bardaouil et Till Fellrath. « Il ne faut jamais perdre la joie, affirme avec force Sam Bardaouil. Bien sûr, il se passe des choses terribles à travers la planète. L’art ne va pas sauver le monde. Mais il peut sauver des individus, et à partir de là, tout est possible. »

Le duo est parvenu à déplacer des montagnes pour mener à bien un projet de Biennale dont il a validé chaque étape, de la conception au plan de communication en six langues reflétant l’expérience cosmopolite des deux nouveaux directeurs de la Hamburger Bahnhof à Berlin.

Ouverte sur le monde – elle accueille plus de 200 artistes de 40 pays – cette 16e édition est également ouverte sur l’histoire, qu’elle embrasse depuis ses fondements antiques, et sur la ville, dont elle investit douze sites différents.

Tandis que le parcours des anciennes usines Fagor propose un détour par la statuaire grecque et romaine (de l’installation vidéo Where is my mind ?[2020], de Joana Hadjithomas & Khalil Joreige, puisant ses images dans des musées archéologiques, à la galerie de sculptures issues des collections du Musée des moulages de l’université Lumière-Lyon-II), les œuvres d’art contemporain s’invitent entre les vestiges gallo-romains du musée Lugdunum. Quant à la destinée exhumée d’une certaine Louise Brunet, dont sont explorées « les nombreuses vies et morts », mais aussi les réincarnations, de la révolte des canuts de Lyon aux fabriques de soie du Liban, elle jette un pont entre les cultures et les époques, tout en éclairant les stratégies des puissances occidentales dans un pays célébré par l’exposition « Beyrouth et les Golden Sixties ». L’art et la création apparaissent ainsi indissociables du contexte géopolitique et économique qui les voit naître. « Dans un moment où nous sommes nombreux à être traversés par une forme d’éco-anxiété, la création artistique a une responsabilité à prendre, estime d’ailleurs Gregory Doucet, le maire (EELV) de Lyon. Les artistes nous aident à penser ces transitions qui s’opèrent.»

Au centre de la grande salle splendidement décatie du Musée Guimet, fermé depuis quinze ans et dont le bâtiment a été spécialement rouvert pour cette édition – grâce à un apport de 500 000 euros de la Ville –, l’installation d’Ugo Schiavi (Grafted Memory System) illustre spectaculairement ce propos politique. Dans ses structures de métal et de verre, évoquant celles des centres de données numériques, une végétation résiliente s’entremêle aux câbles électriques et aux écrans enchâssés. Une métaphore techno-organique appelée à évoluer au long de l’exposition et dont les images virales contribueront sans doute au retentissement de cette Biennale foisonnante.

Des difficultés financières en série  

Budget. Dès le début, rappelle Isabelle Bertolotti, la directrice artistique de la Biennale de Lyon, il était décidé d’un commun accord que les commissaires, Sam Bardaouil et Till Ferllrath, prendraient part à la recherche de mécènes. Cet accord préalable s’est révélé particulièrement pertinent. Non seulement l’édition 2022 avait vu grand en choisissant d’investir douze sites dans la ville, mais, au sortir de la pandémie, certaines de ses entreprises mécènes s’étant retirées, la Biennale était à la recherche de 300 000 euros. C’était avant la décision de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, à six mois de l’ouverture de la manifestation, de supprimer 200 000 euros de subvention. Manquait donc un demi-million pour boucler le budget, quand l’inflation, des coûts des matériaux et des transports, est venue saler encore davantage l’addition. « Mais nous avions fait le pari d’une manifestation ambitieuse, et nous avions envie d’aller jusqu’au bout », explique Isabelle Bertolotti. Il a cependant fallu renoncer à certains prêts, notamment du Metropolitan Museum de New York, du Louvre Abu Dhabi et des Staatlichen Kunstsammlungen de Dresde, devenus trop onéreux en raison des coûts d’acheminement. Priorité a été donnée aux 66 commandes passées aux artistes. Une partie du programme de la Biennale (« Beyrouth et les Golden Sixties ») a bénéficié du soutien de la diaspora libanaise, mobilisée par les deux commissaires. Le ministère de la Culture a débloqué des fonds, et la Fondation Antoine de Galbert a relayé l’appel à l’aide de l’équipe auprès de son fichier de contacts. Jusqu’à la dernière semaine de montage, la Biennale a ainsi vu arriver des dons provenant de particuliers et d’entreprises locales. Les petits ruisseaux font les grandes rivières. Pour autant, il faudra attendre la fin de la manifestation pour s’assurer que les comptes sont à l’équilibre. Si les 250 000 visiteurs sont atteints, voire dépassés, la billetterie devrait rapporter 1,2 million d’euros supplémentaires. Le sort de la Biennale dépend du succès public de cette édition.

 

Anne-Cécile Sanchez

La Biennale de Lyon, Manifesto of Fragility,
jusqu’au 31 décembre, usines Fagor, Musée d’art contemporain, Musée Guimet, Lugdunum, Musée d’histoire de Lyon-Gadagne, Musée des beaux-arts, et de nombreux autres lieux dans Lyon et sa métropole, www.labiennaledelyon.com

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°595 du 23 septembre 2022, avec le titre suivant : Biennale de Lyon : une édition foisonnante

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