Art moderne

Berthe Morisot, une femme et un peintre

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 1 juillet 2006 - 690 mots

À une époque où les conventions n’incitaient pas les femmes à la carrière artistique, l’artiste a su imposer son style, tout en assumant son rôle de mère et de femme bourgeoise.

Elle n’est pas devant son chevalet et c’est à peine si l’on repère qu’elle tient en main sa palette et son pinceau. Elle s’est représentée en buste, de profil, la tête tournée de trois-quarts vers la gauche comme si elle répondait à l’appel de quelqu’un. Les yeux fixes, elle jette un regard appuyé à celui qui la contemple.
Le portrait que Berthe Morisot a brossé d’elle-même en 1885 en dit long sur le côté volontaire de sa personnalité.

Auprès de Corot, elle apprend à peindre sur le motif
Née à Bourges en 1841, dans une famille aisée et cultivée – son père était préfet –, rien ne prédestinait Berthe Morisot à devenir artiste. Les cours de piano et de dessin qu’elle reçut avec ses sœurs aînées, Yves et Edma, n’étaient qu’éducation conventionnelle de jeunes filles de bonne famille. Mais comme Berthe se découvrit très tôt une indiscutable passion, elle ne tarda pas à déclarer vouloir être peintre. Faire métier de peintre.
À dix-sept ans, avec Edma, Berthe effectue ses premières copies au Louvre. L’été 1861, elles le passent toutes deux aux côtés de Corot, à Ville-d’Avray, à peindre en plein air. Deux ans plus tard, elles sont à Auvers auprès de Daubigny et, l’année suivante, elles exposent au Salon.
Elles se lient avec Léon Riesener, Alfred Stevens, Carolus-Duran. Dans le jardin de la rue Franklin où la famille s’est installée en 1864, leur père leur fait construire un atelier.
Peu à peu, Berthe prend de l’ascendant sur sa sœur, d’autant que celle-ci se laisse piéger par « la vie de province et de ménage ». Elle n’arrête plus de peindre, multipliant les séjours en Bretagne et en Normandie. Présentée par Fantin-Latour à Édouard Manet, elle pose en 1868 pour Le Balcon. Une intense amitié les rapproche et l’auteur d’Olympia continue de l’encourager.

Encouragée par Manet, Berthe rencontre les impressionnistes
Au lendemain de la Commune, Manet la présente à son tour à Durand-Ruel.
Celui-ci lui achète quatre œuvres qui illustrent l’adhésion pleine et entière de la jeune femme à une peinture claire, saisie sur le vif. Aussi, quand Monet et ses amis décident en avril 1874 d’organiser une exposition en marge du Salon, les rejoint-elle avec enthousiasme.
Berthe Morisot participe à cette exposition avec neuf toiles, dont le fameux Berceau. Deux chroniqueurs seulement lui sont défavorables.
Au début des années 1890, à la suite d’une exposition chez Durand-Ruel où Berthe présente onze  œuvres, le critique d’art Théodore de Wyzewa lui consacre un important article dans L’Art dans les deux mondes, qui assoit sa réputation.
Mais alors que la famille Manet venait tout juste d’acheter une propriété à Juziers, près de Poissy, Eugène Manet, le frère d’Édouard Manet, avec qui Berthe s’est mariée en 1876, meurt brutalement en avril 1892. Ce printemps-là, elle fait sa première exposition personnelle chez Boussod et Valadon. Un catalogue est publié avec une préface de Gustave Geffroy. Le succès est total.
Deux ans plus tard, sur intervention de Mallarmé, l’État achète la Jeune femme en robe de bal, une toile de 1873, pour le musée du Luxembourg : c’est la consécration.
En 1895, Berthe Morisot a cinquante-quatre ans. Elle est dans la force de l’âge. Hélas ! en soignant sa fille Julie, elle contracte sa maladie et n’y résiste pas. Elle meurt le 2 mars.
Hommage lui est rendu un an plus tard par une importante exposition posthume chez Durand-Ruel. Stéphane Mallarmé en préface le catalogue. Il en fait alors « une arrière petite-nièce, en descendance, de Fragonard ».

Biographie

1841 Naissance à Bourges. 1861 Berthe Morisot suit les enseignements de Camille Corot à Ville-d’Avray. 1868 Rencontre avec Manet, qui la choisira comme modèle dans de nombreuses toiles. 1874 Elle expose aux côtés de Monet, Sisley et Renoir. 1876 Mariage avec Eugène, le frère d’Édouard Manet. 1892 Veuve et malade, elle choisit Mallarmé comme tuteur de sa fille Julie, et Auguste Renoir pour son éducation en peinture. 1895 Décès à l’âge de 54 ans à Paris.

Thématiques

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°582 du 1 juillet 2006, avec le titre suivant : Berthe Morisot

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