Berlin-Moscou, cinquante ans de création

Plus de deux mille œuvres exposées à Berlin

Le Journal des Arts

Le 1 octobre 1995 - 644 mots

Avant le Musée Pouchkine de Moscou, le Martin-Gropius-Bau de Berlin accueille une exposition-fleuve qui retrace un demi-siècle d’influences croisées entre les deux capitales. Si l’intensité des échanges artistiques qui caractérise les années vingt est admirablement évoquée, la section consacrée au temps des dictateurs irrite.

BERLIN - "Berlin-Moscou, Moscou-Berlin, 1900-1950" est une exposition séduisante et frustrante à la fois. Préparée conjointement par le Musée d’art moderne, de photographie et d’architecture, installé dans le Martin-Gropius-Bau, et par le Musée Pouchkine de Moscou, l’exposition, qui a mobilisé une armée de conservateurs, regroupe en fait plusieurs expositions sous un même toit : "Avant la Première Guerre mondiale : Guerre, révolution et guerre civile, 1914-1920" ; "Les années de rencontre, 1920-1933" ; "Le temps des dictateurs, 1933-1941" ; "La Seconde Guerre mondiale, 1941-1945" ; "À la fin de la guerre, 1945-1950".

Ce vaste panorama des relations artistiques entre les deux cités occupe trente-sept salles du Martin-Gropius-Bau, réparties sur deux niveaux. Pas moins de deux mille tableaux, sculptures, dessins, aquarelles, affiches, décors de théâtre, photographies, collages, livres, plans architecturaux et maquettes sont réunis. Ajoutons que les œuvres exposées ne sont accompagnées d’aucun texte explicatif, car le Dr Jörn Merkert, directeur du Martin-Gropius-Bau, ne croit pas en leur utilité.

Parmi les autres défis lancés aux visiteurs, le plus formidable est sans conteste l’installation de l’architecte Daniel Liebeskind qui les accueille au rez-de-chaussée, composée de deux immenses triangles de seize mètres de haut, symboliquement rouge et noir – communiste et fasciste ? –, fichés dans le sol et autour desquels ils doivent se frayer un chemin.

Des toiles accrochées à 4 m du sol
Durant la première décennie de notre siècle, le grand foyer culturel de la Russie était Saint-Péters­bourg, et les échanges se faisaient avec Munich plutôt qu’avec Berlin, mais après la révolution d’Octobre, des centaines de milliers de Russes vinrent chercher refuge à Berlin. Parmi eux, des artistes, des musiciens et des écrivains de talent.

Berlin eut bientôt des journaux, des théâtres et des cabarets russes qui se faisaient l’écho des mouvements artistiques de l’époque : Expressionnisme, Constructivisme, Bauhaus, Art abstrait, Réalisme. La première exposition d’art russe à Berlin, en 1922, est soigneusement illustrée, tout comme la première exposition d’art allemand à Moscou, en 1924,  le plus souvent grâce à des toiles, des sculptures et des dessins présentés pour la première fois lors de ces deux expositions. Tout cela est admirablement exposé dans la section "Les années de rencontre".

En revanche, la section intitulée "Le temps des dictateurs" est la plus irritante. Outre les grandes toiles propres au Réalisme socialiste russe, elle contient en effet des tableaux nazis prêtés par l’US Army Museum de Washington. Ils sont présentés en Allemagne pour la première fois et proviennent d’un groupe de plusieurs centaines d’œuvres saisies et conservées en Amérique depuis la Secon­de Guerre mondiale (lire notre article p. 7).

Ces tableaux représentent, entre autres, Hitler en armure portant un étendard à la Jeanne d’Arc ; Hitler sur le front, entouré d’un essaim de jeunes soldats en adoration ; Hitler faisant un discours lors d’une assemblée nazie, etc. Inquiet des réactions du public et afin de décourager d’éventuels agresseurs, Jörn Merkert a décidé d’accrocher certaines toiles à quatre mètres du sol.

Le financement de l’exposition est venu principalement de la Fondation Deutsche Klassenloterie (loterie nationale allemande), qui a apporté 7,5 millions de marks (26 millions de francs environ). En plus de la contribution du gouvernement russe, Daimler-Benz, IBM Allemagne, la Lufthansa, les hôtels Kempinski des deux villes, les banques Alpha et Stolischny de Moscou ont également apporté leur concours.

Berlin-Moscou, Moscou-Berlin, 1900-1950, Martin-Gropius-Bau, Stresemannstrasse 110, Berlin, Tél. 30 254 860, ouvert tlj de 10h à 20h sauf le lundi, jusqu’au 7 janvier. Musée Pouchkine, Moscou, du 1er mars au 1er juillet 1996. Catalogue, 49 marks (170 francs) pendant l’exposition, 98 marks ensuite (340 francs). Publié par Prestel, Munich. Éditions russe et anglaise en préparation.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°18 du 1 octobre 1995, avec le titre suivant : Berlin-Moscou, cinquante ans de création

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