Entretien

Benjamin Millepied, « Je voulais montrer la danse là où elle n’apparaît pas forcément »

Chorégraphe

Par Sarah Belmont · Le Journal des Arts

Le 8 novembre 2016 - 499 mots

La Petite Galerie du Louvre a convié le chorégraphe Benjamin Millepied à réfléchir à la représentation du « Corps en mouvement ». Le chorégraphe raconte la genèse de cette collaboration.

Pourquoi avoir accepté l’invitation du Louvre ? Est-ce l’interdisciplinarité du projet qui vous a séduit ? Après tout, votre compagnie, L.A. Dance Project, réunit des artistes d’horizons variés.
Comment refuser ? Le Bauhaus brassait diverses disciplines. La performance artistique vient du ballet triadique. C’est au Louvre que L’Après-midi d’un faune de Nijinski a pris forme. Picasso, Apollinaire et [Serge de] Diaghilev créaient main dans la main. Ce qui m’a séduit, c’est de pouvoir étudier ces correspondances avec des commissaires et à partir d’œuvres existantes. Il est vrai aussi que l’art est au cœur de mes créations. C’est un intérêt personnel.

Dans quelle mesure avez-vous contribué au commissariat ? Avez-vous eu accès aux réserves du Louvre ?
Je ne suis malheureusement pas allé dans les réserves. J’ai validé les sélections du Louvre à distance. J’ai choisi ce qui me « parlait », dans l’idée de montrer la danse là où elle n’apparaît pas forcément, dans la vigueur de certains corps, la représentation de certains mouvements. Chez Degas ou Rodin, par exemple, la référence au ballet est parfois trop évidente. Il me fallait trouver des œuvres plus neutres, des images nouvelles, surprenantes. A priori, La Kermesse de Rubens, le Saint Sébastien de Claude Dejoux, ou la Décollation de saint Jean Baptiste par Rembrandt n’évoquent pas la danse. Et pourtant…

Comment mettre en scène des œuvres, par nature statiques, quand on a l’habitude de travailler avec des « corps en mouvement », justement ?
Que les corps soient animés ou non, l’important c’est de faire en sorte qu’ils occupent l’espace. En ce sens, le travail de scénographe ressemble à celui de chorégraphe. D’ailleurs, la confrontation de deux pièces peut être perçue comme un pas de deux, tandis qu’une œuvre isolée assurerait, en quelque sorte, la partie solo.

Le Louvre vous a demandé de commenter certaines œuvres pour l’audioguide. Comment les avez-vous choisies ?
J’ai retenu une vingtaine de pièces que je pouvais mettre en relation avec des chorégraphies actuelles. J’ai fait appel à mon imagination et à mes connaissances, dressé un parallèle entre ces œuvres et la programmation de l’Opéra de Paris…

La dernière salle souligne la révolution qui s’est opérée dans les arts plastiques sous l’influence du spectacle vivant. Inversement la peinture et la sculpture ont inspiré de grands chorégraphes, telle Loïe Fuller…
Tout m’inspire. Je suis très ouvert. Ce peut-être l’univers d’un artiste, une œuvre à part entière, une période. J’étais au Vatican il n’y a pas longtemps. J’y ai été bouleversé par quelques sculptures. Actuellement, je suis en train de créer une narration pour la ville de Marfa, au Texas. J’utilise les espaces de son musée [d’art contemporain] comme autant d’espaces dramatiques.

N’y a-t-il pas de ballet prévu au sein même du Louvre ?
C’est mon rêve de monter un spectacle au Louvre mais, de nos jours, tout est une question de timing…

Légende photo

Benjamin Millepied © Photo Patrick Fraser

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°467 du 11 novembre 2016, avec le titre suivant : Benjamin Millepied, « Je voulais montrer la danse là où elle n’apparaît pas forcément »

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