Peinture

Belle Époque

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 14 avril 2006 - 423 mots

Luxe, calme et volupté selon Tamara de Lempicka.

 BOULOGNE-BILLANCOURT - L’élégante Tamara de Lempicka est comme chez elle au Musée des années 30 de Boulogne. Logées dans ce fief de l’Art déco le temps d’une rétrospective, ses œuvres trouvent un écrin idéal, évoquant l’esprit dans lequel elles furent créées. Un monde de luxe, où le vernis des apparences importe plus que la chaleur des sentiments. La belle mondaine aura beau évoluer vers un art plus humble et plus rustique, ses portraits à la sensualité équivoque illustrent l’apogée de son art.

Maniérisme métallique
Issue d’une famille bourgeoise de Varsovie, Tamara de Lempicka (1898-1980) s’est assuré une existence sous le signe de l’aisance financière, grâce à deux mariages successifs, le premier avec le comte Tadeusz de Lempicki, le second avec le baron Raoul Kuffner de Dioszegh. Son talent et son succès dans les hautes sphères de la société, de Saint-Moritz à Hollywood, en font néanmoins un symbole de la femme indépendante de l’entre-deux-guerres. Tout comme la duchesse de La Salle, Suzy Solidor ou Marjorie Ferry – les personnages féminins qu’elle a immortalisés. Revendiquant sa bisexualité, comme le voulaient les mœurs de l’époque, Tamara de Lempicka développe un style à la sensualité glacée. Son inspiration puisée chez Ingres y est pour beaucoup, tant la ligne est pure et les chairs, lisses. Mais l’artiste est une élève d’André Lhote, et sa vision des formes passe par le prisme du cubisme. Inspirée par des séjours italiens, Tamara invente un maniérisme métallique, en miroir avec son temps. Regards voilés, boucles de cheveux ressemblant à s’y méprendre à des lamelles de cuivre torsadées, vêtements semblables à du papier froissé, seins coniques rajoutés en surface, ces femmes apparaissent comme des versions améliorées de l’androïde créé par Fritz Lang dans Metropolis (1927).
La crise mystique que l’artiste traverse au milieu des années 1930 débouche sur un sommet d’ambiguïté avec Sainte Thérèse d’Avila (1930). Ce portrait d’une bonne sœur en pleine extase religieuse vendu aux enchères en octobre 2005 à Paris est malheureusement absent de cette rétrospective. On passera très vite sur les œuvres tardives, les natures mortes et autres vues d’ateliers. Dans La Fuite (1940) et Les Réfugiés (1931), Tamara révèle ses angoisses avec sincérité, mais son talent s’exprime plus justement dans la froide mise en scène de la superficialité de ses riches modèles.

Tamara de Lempicka

- Commissaires : Emmanuel Bréon, conservateur en chef du musée ; Alain Blondel, commissaire général associé ; Michèle Lefrançois, commissaire scientifique. - Nombre d’œuvres : 40 tableaux et 15 dessins (ainsi que photographies, chapeaux, mobilier et film d’archives)

Tamara de Lempicka

Jusqu’au 16 juillet, Musée des années 30, Espace Landowski, 28, av. André-Morizet, 92100 Boulogne-Billancourt, tél. 01 55 18 53 00, tlj sauf lundi et jours fériés, 11h-18h, www.boulognebillancourt.com. Catalogue, coéd. Flammarion/Amis du Musée des années 30, 160 p., 100 ill. couleurs, 35 euros, ISBN 9-782080-116093.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°235 du 14 avril 2006, avec le titre suivant : Belle Époque

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