Le Palais national catalan cherche sans y parvenir à mettre en valeur Francesc d’A. Gali, grand pédagogue du noucentisme et artiste oublié.

Barcelone (Espagne). L’exposition de Barcelone sur Francesc d’Assís Galí i Fabra (1880-1965) part d’un constat : le Catalan est resté dans les mémoires avant tout comme le professeur influent de toute la génération noucentiste catalane. Mais son œuvre en tant qu’artiste est bien moins connue. Le parcours se propose donc d’inverser cette tendance. Et pour bien solenniser l’exposition, les visiteurs passent sous un dôme orné de figures chatoyantes, signé Francesc d’A. Gali, avant d’atteindre la galerie du deuxième étage du grandiose Musée national d’art de Catalogne.
Ce geste initial ne préfigure cependant pas la suite pensée par le commissaire barcelonais, Albert Mercadé, plus soucieux de présenter sa vie que son œuvre, rompant la promesse de « révéler la trace de celui qui ne voulait pas en laisser ». Sa biographie rappelée au début, raconte que l’oncle du peintre n’était autre que Pompeu Fabra (1868-1948), théoricien de la langue catalane moderne. À son contact, Francesc fréquente les intellectuels de l’époque. À 15 ans, il intègre la Llotja, l’école des beaux-arts de Barcelone, où il étudie en même temps que Pablo Picasso.
De nombreuses archives photographiques de l’intelligentsia catalane attestent également sa proximité avec les grands noms de l’époque. C’est un peu dommage, car cela donne l’impression que la valeur de Gali se résume à son entourage. À 22 ans, le bourgeois catalan embrasse pleinement sa carrière d’enseignant et ouvre sa propre école, considérée comme la première académie du Noucentisme. L’accrochage reflète d’ailleurs bien cet esprit, évoquant un atelier avec ses structures en bois sur lesquelles sont accrochées certaines pièces.
L’école de Gali n’est pas commune. Il y enseigne une certaine spontanéité : ainsi, par exemple mains dans le dos, les élèves doivent palper un objet puis le dessiner sans le voir. C’est en partie grâce à ces jeux que Joan Miró, dont les exercices de jeune artiste sont exposés, développe son intérêt pour la sculpture. Le Catalan emmène aussi ses élèves au contact de la nature, avec comme seul instrument leurs yeux. De retour à l’école, les apprentis font des « paysages mentaux », essayant de se rappeler la forme et la couleur des montagnes admirées quelques heures auparavant.

Plus loin, l’œuvre de Gali se déploie enfin. Affiches symbolistes puis surréalistes témoignent de son esprit avant-gardiste. Au centre de l’expo-atelier, le visiteur est invité à tester ses méthodes via des dispositifs interactifs.
Gali fut aussi résistant et contraint à l’exil en 1939. Directeur des Beaux-Arts de la République, il participe alors à la sauvegarde des collections du Prado, qu’il réussit à transférer à Londres où il vécut par la suite dix ans. Curieusement cette période essentielle est confiée au Musée mémorial de l’exil (Mume), à la frontière franco-espagnole, dans une exposition jumelle qui explore justement sa vie d’exilé et de résistant. Sans cette partie de son parcours, il devient difficile de saisir véritablement le caractère du maître qui reste, in fine, aussi mal connu.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°658 du 20 juin 2025, avec le titre suivant : Barcelone célèbre Gali mais laisse son œuvre dans l’ombre