Barbier, la pensée en liberté

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 1 juin 2006 - 374 mots

Parce que le concept de « rétrospective » est proprement antinomique de l’œuvre foisonnante, voire dispersée, de Gilles Barbier, c’est un « parcours » dans son travail qu’il a imaginé en réponse à l’invitation qui lui a été faite d’exposer au musée de Nîmes. Pour ce faire, l’artiste n’a pas hésité à subvertir l’espace clair et rationalisé des salles conçues par l’architecte Norman Forster. Aussi, dès l’abord, le visiteur est-il perturbé et n’y retrouve-t-il pas vraiment ses repères.
La démarche de Gilles Barbier repose sur tout un monde de fictions qui visent à donner du sens au réel par le principe d’un retournement. Articulée autour des notions de doute, de polysémie et d’ambivalence, son œuvre explore les arcanes et les labyrinthes de la pensée, les théories et les modèles en vigueur pour en déduire toutes sortes de constructions plastiques inédites. Celles-ci prennent forme dans des dessins, des photo­graphies, des installations où l’humour le dispute à une forte réflexion critique.
Au cours des dix dernières années, Gilles Barbier a multiplié les installations avec ses clones où il se met lui-même en scène dans des scénarios invraisemblables. Curieux de l’effet des psychotropes, il s’est par exemple représenté à l’image d’un Ivrogne (2000) pour mettre en exergue comment ceux-ci libèrent des flux de pensées confuses, indéfinies, contradictoires et inattendues.
Il y a quelque chose de délirant dans le travail de Barbier qui acte les préoccupations de l’artiste à l’égard d’un monde sans cesse en mutation. Ses dessins de programmation, ses copies de pages de dictionnaire réalisées sur le mode d’une activité de loisir, ses grands « muraux » naviguant dans le noir interstellaire en sont une autre illustration. Tout comme cette Méga maquette, sorte de schéma spatial, qui abrite quelques autres grandes thématiques de l’œuvre de l’artiste : la pornosphère, le monde des vers, l’usine de vaseline, l’esprit de la glisse...
L’art de Barbier se nourrit autant d’analyses politiques, économiques et sociales que de bandes dessinées et de science-fiction. Pour lui, « l’œuvre d’art [...] est une banque d’images, de signes, d’attitudes totalement libres ». C’est à l’adhésion de telles libertés qu’il nous invite.

« Gilles Barbier », Carré d’art, musée d’Art contemporain, place de la Maison-Carrée, Nîmes (30), tél. 04 66 76 35 70, jusqu’au 17 septembre.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°581 du 1 juin 2006, avec le titre suivant : Barbier, la pensée en liberté

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