Art moderne

Découverte

Avant la couleur

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 9 décembre 2014 - 438 mots

La Maison de l’Amérique latine révèle un Cruz-DÁ­ez photographe et intéressé par des problématiques sociales.

PARIS - Le roi de la couleur devenue autonome s’est aussi emparé du noir et blanc. L’expert en problématiques optiques et temporelles posées par le tableau ou l’installation fut aussi photographe. C’est à la découverte d’une autre facette de l’art de Carlos Cruz-Díez que convie la Maison de l’Amérique latine, à Paris.

Avec « Cruz-Díez en noir et blanc », ce sont une soixantaine de tirages qui guident le visiteur vers un versant méconnu de l’œuvre de l’artiste vénézuélien ; celui-ci donna plusieurs orientations à sa pratique de la photographie, avec des résultats divers. Le plus inattendu tient sans doute dans les photographies les plus anciennes, prises pour nombre d’entre elles à la fin des 1940 et au début des années 1950, alors qu’il était encore à l’époque un peintre… figuratif ! Versé dans une esthétique sociale très colorée et aux formes rugueuses, que rappellent fort opportunément quelques documents disposés dans une vitrine, Carlos Cruz-Díez photographie des manifestations de la culture populaire et folklorique du Venezuela, mais aussi les marges et en particulier des tranches de vie au sein des quartiers périphériques de Caracas, dans un contexte de modernisation du pays qui ne touchait pas tout le monde. « J’avais besoin de recueillir des témoignages qui appuieraient ma prétendue dénonciation de l’injustice sociale », déclara l’artiste à ce propos.

Si elles apparaissent tels de solides objets documentaires – même si leur auteur, qui les qualifia lui-même de « sans prétentions », ne les envisageait pas ainsi mais plutôt comme des supports à une peinture sociopolitique –, ces images n’ont pour autant rien de novateur à leur époque. Pas plus que ne le furent les très nombreux clichés documentant la vie intellectuelle et les relations artistiques de Cruz-Díez, particulièrement après qu’il s’est installé à Paris en 1960. L’œil y croise, parmi d’autres, Calder, Soto, Tinguely.

Là où, en termes photographiques, l’aventure devient piquante, c’est lorsque l’artiste explore le paysage avec un œil déjà géométrique qui le conduit à des découpages de l’architecture ou du paysage nés de jeux de perspectives ou de confrontations d’ombre et de lumière, comme lors de son exploration du village d’El Masnou, en Catalogne, en 1955. Plus tôt, en 1947 à New York, le George-Washington Bridge et la statue de la Liberté lui donnèrent l’occasion de s’essayer à de savantes contre-plongées et à des focus qui bouleversent le motif. Dès cette époque commencent à se poser des questions de ligne et de proportion, de cadrage, d’espace et de rythme, qui très vite déboucheront sur une autre réalité de son art.

Cruz-DÁ­ez en noir et blanc. Photographies de 1943 à 1975

Jusqu’au 31 janvier 2015, Maison de l’Amérique latine, 217, bd Saint-Germain, 75007 Paris, tél. 01 49 54 75 00, www.mal217.org, tlj sauf dimanche 10h-20h, samedi 14h-18h. Catalogue, éd. Maison de l’Amérique latine, 48 p., 10 €.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°425 du 12 décembre 2014, avec le titre suivant : Avant la couleur

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