Aurelie Nemours, rétrospective

L'ŒIL

Le 1 juillet 2004 - 708 mots

Conçue de façon chronologique, cette rétrospective très attendue de l’œuvre d’Aurelie Nemours réunit tableaux et dessins de l’artiste, parmi lesquels ceux de sa récente donation au Musée national d’art moderne. Un de ses derniers projets, l’Alignement du XXIe siècle, qui s’inscrira fin 2005 au pied du parc Beauregard de Rennes, devrait également être auguré par le biais d’une petite structure préfigurant les soixante-douze colonnes de granit de 4,5 mètres de hauteur, inspirées des alignements de Carnac. Le sous-titre de l’exposition a été choisi par Aurelie Nemours : « Rythme – Nombre – Couleur », soit les trois éléments primordiaux sans lesquels toute création artistique serait impossible. Ils ont en effet profondément orienté sa démarche, s’imposant progressivement. Née à Paris en 1910, Aurelie Nemours a tout d’abord abordé le monde artistique par le biais théorique de l’école du Louvre. Son besoin de création l’incite à changer de parcours, elle commence son apprentissage du dessin chez l’affichiste et décorateur Paul Colin, puis fréquente successivement les ateliers d’André Lhote, dont elle a lu le Traité du paysage, et de Fernand Léger. Malgré leur enseignement, qui ne prône pas l’abstraction, elle s’engage dans cette voie, menant sa propre quête spirituelle. Aurelie Nemours, poète, suit la même direction que l’artiste peintre. Elle collabore dès 1949 au Mercure de France, date à laquelle elle participe également au Salon des réalités nouvelles à Paris. Ces deux moyens lui permettent de procéder au dépassement de l’œuvre d’art, aboutissant à la mystique. Ses premières œuvres picturales, qu’elle désigne comme « les archaïques », abordent les différentes problématiques de son travail. Le rythme, au fur et à mesure du processus créatif, incite Aurelie à utiliser la série comme mode d’expression, une œuvre en appelant une autre. Ainsi, la série Les Demeures (1953-1959) se pose comme un premier jalon dans la constitution de son langage pictural, une première épuration. Ces pastels noir et blanc lui permettent de goûter encore la jouissance de la matière, tout en explorant le recours au carré et au rectangle comme principes de composition. Ces deux éléments, composition et matière, vont tendre à disparaître. De fait, la série Rythme du millimètre (1976-1977), réflexion cadencée sur le nombre et la répétition d’un même signe, peut être considérée comme un second jalon, qui sera poursuivi dans les séries comme Structure du silence (1983-1990), soit la superposition noir et blanc de grilles multiples, jouant sur la dissymétrie et l’inversion des rapports vide/plein, ou bien encore Nombre et Hasard, continuée jusqu’en 1992, dans laquelle le hasard construit sur le nombre est le fondement de la composition. Vingt années séparent la série des Demeures et celle du Rythme du millimètre. Durant cette période se mettent en place des recherches telles que la série des Angles ou des Points Pluriels, et au cours de ces années, Aurelie Nemours se libère progressivement des contraintes du signe. Le premier refus a tout d’abord été celui de la figure, puis de la courbe et de l’oblique, pour aboutir à la désintégration de la matière, et au langage du vide, expression majeure de l’artiste. Son vocabulaire plastique se met donc en place : l’horizontale et la verticale, qui, en se croisant, forment la croix, ainsi que le rectangle et le carré, que reprennent les formats des œuvres à partir de 1965. À ces éléments s’ajoute la relation passionnelle à la couleur, qu’il s’agisse du noir et blanc, choix dans lequel la couleur possède son maximum de force, ou bien des audaces colorées, comme les Quatuors ou Le Long Chemin (1989) – soixante-quatre toiles carrées monochromes, rouges, bleues, jaunes, blanches et noires en une ligne horizontale de plus de 50 mètres –, créé pour la rétrospective à la Stiftung für konkrete Kunst de Reutlingen, dans lequel les couleurs retrouvent toute leur acuité. Tel sera le parcours de l’artiste que le public pourra suivre, comme une promenade méditative, car c’est par le dépassement de l’œuvre d’art pure qu’on arrive à la mystique. « exil nulle mélodie / la trace   l’instant l’éphémère / la composition disparaît comme figurante / devant le rythme   signe nu / l’ellipse l’épure fluide », Aurelie Nemours, Bleu bleu noir, éd. Melville-Léo Scheer, 2003.

« Aurelie Nemours », PARIS, Centre Pompidou, galeries 2 et 3, IVe, tél. 01 44 78 12 33, 9 juin-24 septembre.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°560 du 1 juillet 2004, avec le titre suivant : Aurelie Nemours, rétrospective

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