Sculpture

Au temps du grand Montparnasse

Par Colin Lemoine · L'ŒIL

Le 27 septembre 2007 - 330 mots

Aux Heures chaudes de Montparnasse, entretiens d’artistes filmés les plus prolixes, il manquait la couleur. Des œuvres savamment choisies la restituent aujourd’hui, pi(g)mentant la pellicule.

Voir les mains de Miró se mouvoir dans l’espace, entendre le rythme des mots d’Aragon, observer les déclivités du visage de Giacometti : les quatorze documentaires réalisés pour l’ORTF en 1960-1961 par Jean-Marie Drot ont ce pouvoir. Ce pouvoir enivrant et ensorcelant de donner corps à de l’imaginaire et de l’imagination, à celles et ceux dont seules les œuvres auraient pu nous parvenir si le miracle du 16 mm n’avait fixé leur image réelle, démystifiante ou, tout au contraire, fascinante.
Véritables suaires, Les Heures chaudes de Montparnasse s’appréhendent comme une relique inespérée. Avec l’appréhension que toute révélation implique, avec la peur de la surprise liée à tout dévoilement. Un visage, une voix, un corps rendus comme vivants : c’est (ce n’est) donc (que) cela ?

Le plaisir renouvelé au musée du Montparnasse
L’exposition du même nom au musée du Montparnasse à Paris, organisée autour de ces précieuses séquences filmées, permet de renouveler le plaisir. Présentant des œuvres confidentielles ou issues du Petit Palais de Genève, elle offre un perpétuel mélange des sens. Aussi peut-on en même temps entendre Man Ray parler et contempler ses photographies, écouter Giacometti et toucher des yeux ses sculptures, observer Chana Orloff nous parler de Soutine dont le splendide Torse au fond bleu participe à cet ineffable feu d’artifice synesthésique…

Montparnasse, « salon ouvert sous les étoiles »
On le sent vite : Montparnasse est, plus qu’un lieu, une idée. Celle d’une bohème cosmopolite et foisonnante réinventant perpétuellement la modernité. De Modigliani le tragique à Cocteau le dandy en passant par Kiki la voluptueuse, les films et les œuvres parlent une multiplicité de dialectes mais toujours la même langue, exacerbée et catalysée : celle de la vie et de la mort, de l’outrance et de l’outrage.
Poésies triviales ou anecdotes épiques, donc, que ces histoires et ces hommes dans ce Montparnasse que Masson baptisa de « salon ouvert sous les étoiles ». 

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°595 du 1 octobre 2007, avec le titre suivant : Au temps du grand Montparnasse

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