Suisse - Art moderne

XXE SIÈCLE

Au rendez-vous des Fauves

Par Itzhak Goldberg · Le Journal des Arts

Le 4 octobre 2023 - 501 mots

Le Kunstmuseum de Bâle réunit les peintres du fauvisme, dans une large acception de ce mouvement artistique.

Bâle, Suisse. Peu après « Les Années Fauves » à la Fondation Gianadda, les Fauves reviennent en Suisse, au Kunstmuseum de Bâle – plusieurs œuvres ont fait le voyage de Martigny à Bâle. Mais curieusement le titre « Matisse, Derain et leurs amis. L’avant-garde parisienne, 1904-1908 » ne mentionne pas le terme de fauvisme. Un « oubli », qui justifie une sélection d’artistes dont la présence s’explique par leur intérêt commun pour les néo-impressionnistes et pour Vincent Van Gogh et Paul Gauguin, devenus, à titre posthume, les référents de la modernité. En admettant la pertinence de ces liens – parfois ténus – qui se tissent entre de nombreux artistes de cette grande famille, on reste perplexe quant aux rapprochements plutôt anecdotiques. L’exemple de Marie Laurencin, surnommée « la fauvette » – est-ce un compliment ? – est éloquent. Certes, le portrait qu’elle réalise d’Alice Derain, l’épouse d’André Derain, en 1908, s’inscrit dans une volonté d’évoquer la présence féminine dans l’univers presque exclusivement masculin des Fauves. Mais, si la magnifique Finlandaise de Sonia Delaunay (1907) ou le Paysage corse d’Émilie Charmy (1910) sont parfaitement à leur place, l’autre tableau de Laurencin, Diane à la chasse (1910), frôle le ridicule.

Les chefs-d’œuvre du fauvisme

Le mérite de l’exposition est néanmoins de proposer quelques chefs-d’œuvre. Ainsi on y croise Luxe, calme et volupté d’Henri Matisse (1904, voir ill.), ce tableau-manifeste qui quitte rarement Paris, la séquence fascinante des vues de la Tamise, par André Derain (1906-1907), ou encore un portrait « brutal » de ce dernier par Maurice de Vlaminck (1906). Le parcours est chronologique et même topographique – Matisse, Albert Marquet, Charles Camoin, Jean Puy et Henri-Charles Manguin à l’atelier parisien de Gustave Moreau ; Derain et Vlaminck à Chatou ; Georges Braque, Raoul Dufy et Othon Friesz en Normandie et dans le Midi.

Le parcours opère aussi des regroupements thématiques, « Natures mortes et scènes d’intérieur » ou « La ville et la vie nocturne ». Dans cette dernière section, Le Moulin Rouge, la nuit, d’Auguste Chabaud (1907) se situe à mi-chemin entre le fauvisme et l’expressionnisme. Remarquons ainsi que Chabaud, comme Georges Rouault – un Fauve, vraiment ? –, sont ici les seuls artistes à offrir une vision véritablement sombre de l’existence des prostituées, à peine effleurée par Vlaminck et Kees Van Dongen.

Une salle expose une riche documentation sur le contexte social de cette période – surtout au sujet des rapports entre les Fauves et la mode considérée, selon la commissaire de l’exposition Claudine Grammont, comme source d’inspiration décorative. L’exposition s’achève par la présentation d’autres activités de ces artistes – dessin, céramique, sculpture –, puis par un rappel de la production picturale internationale : Vassily Kandinsky, Alexej von Jawlensky, Gabriele Münter, Marianne von Werefkin ou, moins connue, l’artiste suisse, Alice Bailly. On peut saluer l’effort des commissaires d’avoir maintenu la parité. On reste toutefois étonné par l’impasse totale sur Die Brücke, ce mouvement expressionniste qui fait surface en 1905, l’année qui marque la « naissance » officielle des Fauves.

Matisse, Derain et leurs amis. L’avant-garde parisienne, 1904-1908,
jusqu’au 21 janvier 2024, Kunstmuseum Basel, St. Alban-Graben, 8, CH-4010 Bâle, Suisse.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°618 du 6 octobre 2023, avec le titre suivant : Au rendez-vous des Fauves

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