Au-delà du cubisme

Rétrospective Albert Gleizes à Lyon

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 12 octobre 2001 - 564 mots

À travers quelque soixante-dix peintures – dont la quasi-totalité des grands tableaux cubistes – et une soixantaine de dessins, le Musée des beaux-arts de Lyon rend hommage à Albert Gleizes. De ses débuts en 1900, riches en dessins, aux Supports de contemplation des années 1940, l’exposition rappelle qu’il n’est pas seulement l’auteur de l’ouvrage Du « Cubisme », petit traité coécrit avec Jean Metzinger, et témoigne d’une volonté de revaloriser son œuvre.

LYON - “La majesté, voilà ce qui caractérise avant tout l’art d’Albert Gleizes. Il apporta ainsi dans l’art contemporain une émouvante nouveauté. On ne le trouve avant lui, que chez peu de peintres modernes”, notait Guillaume Apollinaire en 1913, dans son livre Les Peintres cubistes. Aujourd’hui, les écrits sur l’artiste sont beaucoup moins élogieux, comme en témoigne Pierre Cabanne qui, dans L’Épopée du Cubisme, considère que Gleizes “se révèle incapable de trouver un langage qui lui soit propre” et “se contente de ‘cubister’ des sujets classiques, voire académiques”. Christian Briend, dans le catalogue de l’exposition, souligne ainsi que “peu d’artistes du XXe siècle suscitent autant de réticences, voire même d’hostilité de la part des historiens de l’art qu’Albert Gleizes”, précisant que la rétrospective du Musée des beaux-arts de Lyon s’attache à “rendre davantage justice à sa contribution à certains moments clefs de l’histoire de l’art moderne”.

Pour la période cubiste, il a été possible de réunir la majorité des différents envois de Gleizes aux expositions du groupe, tels Le Portrait de Jacques Nayral et La Chasse, présentés au Salon d’automne en 1911, ou encore Le Dépiquage des moissons (1912), qui s’inspire directement de la conception discontinue de la durée, développée par Bergson. Dans cette toile, Gleizes multiplie les points de vue, mêle les actions du passé, du présent et du futur. Prêté par le Musée Guggenheim, le Portrait d’un médecin militaire (1914) est, quant à lui, l’une de ses dernières compositions cubistes.

Animer une surface plane, c’est rythmer l’espace
Après l’exil américain et la fin de la Première Guerre mondiale, le retour de Gleizes en France marque une rupture dans son œuvre, rupture qu’illustrent parfaitement Buste de Femme et Femme au gant noir, deux toiles de 1920. S’inspirant des silhouettes de cartes à jouer, leurs découpes obéissent aux principes qu’il a développés de manière rigoureuse dans son ouvrage La Peinture et ses lois et dans lequel il affirme que “peindre, c’est animer une surface plane ; animer une surface plane, c’est rythmer l’espace”.

À partir des années 1920, Gleizes alterne figures réelles et recherches géométriques purement abstraites. En raison de sa grande fragilité, l’imposante composition destinée à la gare de Moscou et conservée à Grenoble n’a pu faire le déplacement.

En revanche, le musée présente pour la première fois un ensemble décoratif (1930-1931) commandé par le galeriste Léonce Rosenberg pour la chambre d’une de ses filles, dans lequel l’artiste adapte le langage formel de l’abstraction au décor d’un intérieur bourgeois parisien. Restaurée pour l’occasion, Autorité spirituelle et pouvoir temporel est particulièrement représentative des années 1940, au cours desquelles Gleizes hésite à abandonner tout élément figuratif, tandis que la série des Arabesques (années 1950), qui conclut le parcours, atteste d’une approche plus spontanée de l’abstraction.

- ALBERT GLEIZES – LE CUBISME EN MAJESTÉ, jusqu’au 10 décembre, Musée des beaux-arts, 20 place des Terreaux, 69001 Lyon, tél. 04 72 10 17 40, tlj sauf mardi, 10h30-18h, vendredi jusqu’à 20h, catalogue RMN, 235 p., 220 F.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°134 du 12 octobre 2001, avec le titre suivant : Au-delà du cubisme

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