En Italie

Assise pour l’éternité

L'ŒIL

Le 16 novembre 2011 - 1174 mots

Chef-d’œuvre d’art et d’architecture, avec
ses fresques de Cimabue et de son disciple Giotto, la basilique Saint-François d’Assise (XIIIe-XIVe siècles) livre ses secrets dans un très beau livre paru en France aux éditions du Seuil.

La basilique Saint-François d’Assise, liée à l’histoire et à l’enseignement du Pauvre d’Assise, est aussi l’un des monuments incontournables de l’Italie pour ses nombreux chefs-d’œuvre à l’origine du renouvellement du langage figuratif en Occident. La publication récente par les éditions du Seuil d’Assise, la basilique Saint-François de Gianfranco Malafarina permet de découvrir ou de redécouvrir la richesse de ce patrimoine artistique, illustré par de nombreuses photographies révélant souvent des aspects inédits des cycles picturaux.

Aux origines de l’édification de la basilique d’Assise
Fils d’un riche marchand d’étoffes, François, né à Assise en 1182, renonce à ses ambitions lorsque, pénétrant par hasard dans l’église San Damiano, il entend une voix lui dire : « François, va et répare ma maison qui tombe en ruine. » Il commence par mener une vie d’ermite, avant d’épouser la pauvreté absolue, seule condition d’une liberté spirituelle supérieure. Ayant obtenu en 1209 d’Innocent III l’approbation orale de sa règle, il entame une période de prédication intense qui le conduit jusqu’à la cour du sultan d’Égypte. En son absence, il nomme le frère Élie ministre général de l’ordre franciscain. C’est précisément après l’approbation définitive de la règle par Honorius III, en 1223, et après la mort du saint, le 3 octobre 1226, que le frère Élie décide de l’édification d’un complexe ecclésial monumental.

Élie reçoit de Grégoire IX, le 29 mars 1228, un terrain à l’ouest de la ville. Le 17 juillet de la même année, le pape, qui avait célébré la veille la fin du procès en canonisation de François, pose lui-même la première pierre de la nouvelle église. Celle-ci est destinée non seulement à accueillir la dépouille du saint, jusqu’alors à San Giorgio, mais aussi à remplir la fonction d’église-mère des frères mineurs et à accueillir les pèlerins qui se rendent en masse à Assise, attirés par l’annonce des premiers miracles.

Le cycle de fresques de la basilique inférieure d’Assise
Centré sur la crypte consacrée au culte de la sainte dépouille, le complexe est une sorte de gigantesque reliquaire dont le plan en T s’inspire du symbole du Tau, cher à François d’Assise. L’intérieur de l’église inférieure, encore imprégné d’une gravité romane, est divisé en cinq travées par des arcades basses en plein cintre soutenues par des piliers trapus.

Les murs de la nef illustrent pour la première fois, à une échelle monumentale, les épisodes importants de la biographie du saint. Les fresques réalisées par le Maître de saint François, en 1260, permettent aujourd’hui encore d’apprécier le programme iconographique de ce cycle. Il se développe avec une série de renvois entre les épisodes du mur de gauche, relatifs au Pauvre d’Assise, et ceux du mur de droite, qui sont consacrés au Sauveur, et cela malgré les dégâts que les fresques ont subis au moment de l’ouverture de plusieurs chapelles gothiques. Les plus célèbres sont la chapelle Saint-Martin, peinte par Simone Martini dans les années 1310, ou la chapelle Sainte-Madeleine, décorée par Giotto [lire encadré] et son atelier, entre 1307 et 1308.

L’art de la fresque resplendit également sur les murs du presbytérium. La richesse décorative est inspirée par le parallélisme entre la gloire de saint François et les vertus franciscaines, peintes dans la croisée, au-dessus de l’autel, et les histoires de l’enfance et la passion du Christ dans les deux transepts. Le nouveau cycle décoratif, commencé à la fin du XIIIe siècle à l’extrémité du transept nord pour remplacer un décor plus ancien réalisé par le Maître de saint François et par Cimabue, est exécuté par le Maître de saint Nicolas. Au début du XIVe siècle, le travail passe à l’atelier florentin de Giotto. Enfin, avant la fin des années 1320, le programme est achevé dans le transept sud par le Siennois Pietro Lorenzetti.

Le cycle de fresques de la basilique supérieure d’Assise
Alors que la réalisation des fresques est en cours dans la basilique inférieure, la construction d’une deuxième salle plus vaste et plus imposante est décidée pour accueillir les frères à l’occasion des chapitres généraux de l’ordre ou le pontife et sa cour lors des visites papales. Si le programme iconographique de la basilique inférieure est conçu à l’usage des pèlerins qui viennent à Assise pour vénérer les reliques du saint, le cycle pictural de la basilique supérieure doit privilégier le point de vue des frères et du pape.

L’intérieur de la basilique supérieure présente un plan en croix latine avec une nef unique divisée en quatre travées couvertes de voûtes d’arêtes, un transept à deux bras et une abside polygonale. Dans la continuité de l’église inférieure, les fresques qui recouvrent les murs de la nef et le mur intérieur de la façade de la basilique supérieure, réalisées à la fin des années 1280, s’inscrivent dans un programme iconographique unitaire qui illustre l’histoire du salut de l’Église, d’un côté, et l’histoire de saint François, de l’autre. Le cycle pictural s’y déploie sur trois registres superposés. Les registres supérieur et médian du mur avec les histoires de l’Ancien Testament et les registres correspondants du mur sud avec les histoires du Nouveau Testament sont l’œuvre de Cimabue et de son atelier.

Le mur intérieur de la façade, le long du registre inférieur, est réalisé quant à lui avec les histoires de la vie de saint François par Giotto et son atelier. Les fresques du transept et de l’abside de la basilique supérieure, exécutées pendant la seconde moitié du XIIIe siècle, soulèvent des thèmes liés à l’institution de l’Église. Les visions apocalyptiques et les histoires apostoliques dans les bras du transept, bien qu’endommagées, sont attribuables en grande partie à Cimabue et à son atelier.

En 1997, le tremblement de terre qui frappe l’Ombrie et les Marches endommage aussi bien l’extérieur que l’intérieur de la basilique Saint-François. Après les premières interventions d’urgence, les travaux de restauration, qui ont débuté aussitôt après le séisme, se sont achevés deux années plus tard.

Giotto et les prémices du « réalisme »

Découvert par Cimabue, alors qu’il dessinait les brebis de son troupeau sur un rocher, Giotto di Bondone, né à Colle di Vespignano vers 1266-1267 et mort à Florence en 1337, est considéré comme le père de la peinture moderne pour l’avoir orientée vers le réalisme. C’est précisément à Assise que Giotto met en place son langage pictural qui rompt avec la tradition médiévale abstraite et d’origine byzantine, pour chercher un contact plus intime avec la réalité, qu’il exprimera pleinement à Padoue. À Assise, un élément nouveau apparaît pour la première fois dans l’histoire de la peinture occidentale : la possibilité de représenter de façon réaliste le monde extérieur. Ainsi, il débarrasse les figures de toute emphase mystique et inscrit ses scènes dans une véritable temporalité. La puissance plastique des figures, la tridimensionnalité des architectures, les objets aux savants raccourcis, l’extraordinaire sûreté de la construction spatiale, la nouvelle utilisation de l’éclairage chromatique anticipent les recherches sur la perspective du Quattrocento.

Autour de la basilique

Informations pratiques. Gianfranco Malafarina, préface de Chiara Frugoni, Assise, la basilique Saint-François, Éditions du Seuil, 324 p., 60 e. Le livre. Journaliste, essayiste et critique d’art italien, Gianfranco Malafarina signe le texte de ce beau livre consacré à l’un des monuments les plus importants d’Italie, réceptacle de chefs-d’œuvre qui ont amorcé un renouvellement dans le développement de l’art occidental. Les photos, superbes, reproduites ici, sont signées Elio Ciol, Stefano Ciol et Ghigo Roli.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°641 du 1 décembre 2011, avec le titre suivant : Assise pour l’éternité

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