Artistes et galeries à travers le monde (15 décembre 2000)

L’actualité de l’art contemporain

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 1 décembre 2000 - 1284 mots

LONDRES
Rut Blees Luxemburg est aujourd’hui relativement bien connue pour ses vues de villes la nuit. Ses photographies explorent la veine riche et poétique du romantisme germanique tout en s’inscrivant résolument dans le monde contemporain. Ses nouveaux travaux montrés chez Laurent Delaye continuent d’explorer l’âme des villes. L’artiste vient aussi de publier Liebeslied/my suicides en collaboration avec le philosophe Alexander Garcia Düttmann qui a écrit des textes qui viennent dialoguer avec ses images.

Laurent Delay, 11 Saville Row, Londres, tél. 44 20 7287 1546, jusqu’au 23 décembre

Auteur d’un travail éclectique et multi-référentiel, Rodney Graham présente à la Lisson Gallery son premier projet d’envergure au Royaume-Uni. L’été dernier, la galerie avait déjà présenté la "première" britannique de Vexation Island, le film déjà plébiscité qui met en scène, sur une île déserte à la Beckett, un perroquet, un cocotier et l’artiste représenté en capitaine Cook. L’atmosphère historique est davantage présente dans son nouveau film, City self/country self, que la galerie présente comme "une période de drame se passant dans le Paris du XVIIIe siècle et dans lequel l’artiste joue les deux rôles principaux". L’intérêt du Canadien pour la culture de la musique rock a augmenté ces dernières années. Il proposera d’ailleurs pendant l’exposition deux performances et enregistrera également une chanson : What is happy, baby ?

Lisson Gallery, 52-54 Bell Street, Londres, tél. 44 20 7724 7124, jusqu’au 27 janvier 2001

Les photographies d’architectures de John Riddy mettent en scène des bâtiments dans leurs environnements. Son exposition actuelle à la Frith Street Gallery confronte des paysages qui ont déjà abondamment inspiré les créateurs au cours de l’histoire de l’art, comme les Alpes, la mer ou les nuages, et des vues de projets architecturaux du XXe siècle – notamment l’unité d’habitation de Le Corbusier à Firminy – qui ont tenté de construire une utopie moderne. Ses travaux rejettent aujourd’hui le pathos nostalgique du temps révolu et des idéaux contrariés.

Frith Street Gallery, 59-60 Frith Street, Londres, tél. 44 20 7494 1550, jusqu’au 22 décembre

Spencer Tunick, bien connu pour ses grandes photographies de centaines de gens réunis pour des performances éphémères, des nus dans l’espace public, bénéficie de sa première exposition personnelle au Royaume-Uni à la Hales Gallery. Il y présente une série de photographies, "America Zone", des nus souvent seuls dans des environnements urbains. Vivant à Brooklyn, Tunick parcourt les États-Unis, recherchant des volontaires dans chacune de ses étapes, personnes qu’il invite à participer à ses chorégraphies, orchestrant des associations entre les éléments de la rue et la vulnérabilité du nu.

Hales Gallery, 70 Delptford High Street, Londres, tél. 44 20 8692 0471, jusqu’au 20 janvier

NEW YORK
L’équation beauté-laideur que la mode des années soixante-dix n’a cessé de mettre en jeu, revient en force dans l’exposition de sculpture que montre actuellement Barbara Gladstone. La manifestation ne réunit que trois pièces, mais ces œuvres constituent un trio unique. La plus surprenante est certainement celle de Charles Ray, tenant d’un formalisme métallique et dont les dates, 1971/1998, révèlent beaucoup. Elle fait référence à certaines créations de Caro. En contraste, l’étrange gâteau de mariage néo-baroque de Jennifer Pastor se balance de façon précaire. Matthew Barney contribue à la manifestation avec l’une de ses meilleurs pièces issues de son film Cremaster 2, le véhicule utilisé par Gary Gilmore. Chacune de ces pièces semble être un chef-d’œuvre tandis que leurs rapprochements et oppositions apparaissent comme exemplaires.

Barbara Gladstone, 515 West 24 Street, New York, tél. 1 212 206 9300, jusqu’au 22 décembre

Tony Cragg présente chez Marian Goodman une série de nouveaux travaux issus de son esthétique qu’il décline sans rupture radicale mais en prolongeant ses recherches à partir de son vocabulaire personnel. L’artiste a réussi à s’affranchir de la monumentalité de la sculpture allemande même s’il vit dans ce pays depuis plus de vingt ans. Cragg a fusionné ses différentes sources d’inspiration, comme la science et l’industrie, avec un parfait sens de la matière et de la technique dans des objets à la fois élégants et intelligents.

Marian Goodman, 24 West 57th Street, New York, tél. 1 212 977 7160, jusqu’au 30 décembre

Les gravures de Lucian Freud disposent, à l’intérieur du travail de l’artiste, d’un statut qui n’a rien à envier aux autres aspects de sa production. En fait, elles apportent un éclairage sur son style tranché, une analyse des formes humaines que la nature même de l’huile ne permet pas de mettre en valeur sur la toile. La gravure semble le médium idéal pour l’expression de la cruauté des yeux de Freud, "acide" pour reprendre sa propre terminologie, ou encore "incision", "morsure", termes qui font parfaitement écho à son esthétique. La rare présentation de ses travaux préparatoires et tirages finaux chez Matthew Marks produit un effet d’ensemble puissant tout en nécessitant une attention particulière pour chacune des pièces exposées.

Matthew Marks, 523 West 24th Street, New York, tél. 1 212 243 0200, jusqu’au 23 décembre

Coronation of Sesostris, présenté par Cy Twombly à la Gagosian Gallery, n’est pas une œuvre en un seul morceau, mais est constituée de dix parties. La bravoure de son style et sa stature ne peuvent pas être mis en défaut. La tendance inhérente à l’œuvre de Twombly de tomber dans un style décoratif répétitif n’est pas présente dans ces travaux qui explorent de nouveaux territoires. Comme Julian Schnabel, un autre adepte du beau geste, Twombly tend à nous démontrer que prôner un art "décoratif" ne relève pas de la facilité mais demande un véritable investissement.

Gagosian Gallery, 980 Madison Avenue, New York, tél. 1 212 744 2313, jusqu’au 6 janvier

PARIS
Pour sa seconde exposition personnelle à la galerie Almine Rech, Johannes Kahrs présente sa "Révolution permanente". L’artiste qui vit à Berlin, expose deux grandes peintures qui jouent d’une iconographie contemporaine passée au filtre de couleurs chaudes, pour paraître et disparaître. L’Allemand expose en contrepoint des photographies noir et blanc, une autre approche du même thème.

Galerie Almine Rech, 24 rue Louise-Weiss, 75013 Paris, tél. 01 45 83 71 90, jusqu’au 23 décembre

Natacha Lesueur, qui vient de recevoir le prix Ricard 2000, expose pour la première fois à la galerie Praz-Delavallade son art à fleur de peau, tout en abandonnant ici les nourritures terrestres. L’artiste a en effet pris de parti de tracer des lignes sur son corps, arabesques qui ne peuvent laisser de marbre. Quand l’écrit pousse au silence.

Galerie Praz-Delavallade, 28 rue Louise-Weiss, 75013 Paris, tél. 01 45 86 20 00, jusqu’au 23 décembre

Il est des œuvres qui sont bien difficiles à montrer une fois l’artiste disparu. C’est un peu le cas du travail de Felix Gonzalez-Torres. Basée sur l’échange, sa réflexion jouait sur une générosité qui devait permettre, par exemple, à chaque visiteur de repartir avec un "souvenir", bonbon ou feuille de papier comportant une inscription, action qui reposait sur une consumation permanente de l’œuvre et qui en constituait l’essence même. Ces exigences et actions sont parfois bien compliquées à assumer par les galeries.

Galerie Jennifer Flay, 20 rue Louise-Weiss, 75013 Paris, tél. 01 44 06 73 60, jusqu’au 23 décembre

Raoul Ubac a côtoyé le groupe surréaliste dès les années trente, à l’époque où il publie ses photographies dans Minotaure. Plus tard, au cours de la Seconde Guerre mondiale, l’artiste édite des revues, comme l’Invention collective, titre sur lequel il travaille avec Magritte. Il s’intéresse ensuite, à partir de 1946, à la taille de l’ardoise. Introduit dans le cercle des artistes du groupe Cobra par l’intermédiaire de Christian Dotremont, il participe à la seconde exposition du mouvement en 1950 à Liège. L’exposition aujourd’hui organisée par la galerie Thessa Herold réunit des travaux datant des premières années de la carrière de l’artiste, alors qu’il était proche du Surréalisme et de Cobra.

Galerie Thessa Herold, 7 rue de Thorigny, 75003 Paris, tél. 01 42 78 78 68, jusqu’au 23 décembre

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°116 du 1 décembre 2000, avec le titre suivant : Artistes et galeries à travers le monde (15 décembre 2000)

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