Art contemporain

Vienne (Autriche)

Art régénéré au nouvel Albertina

Albertina Modern - Jusqu’au 15 novembre 2020

Par Anne-Charlotte Michaut · L'ŒIL

Le 31 août 2020 - 486 mots

Coup de cœur : pour son exposition inaugurale, l’antenne moderne de l’Albertina propose d’« exorciser l’histoire » et affirme la richesse de l’art autrichien, de l’immédiat après-guerre jusqu’au seuil du post-modernisme.

Avec quelques mois de retard dus à la crise sanitaire, ce nouvel espace d’exposition de 2 500 m2 au cœur de la capitale autrichienne a finalement ouvert ses portes le 27 mai. Cet événement marque l’aboutissement d’une démarche de modernisation et d’ouverture à l’art contemporain du célèbre musée d’art graphique, entreprise par Klaus Albrecht Schröder depuis son arrivée à la tête de l’institution en 1999. C’est en « collectionnant des collectionneurs » que le directeur a réussi à constituer un fonds de plus de 60 000 œuvres, réalisées par plus de 5 000 artistes, faisant ainsi de cette antenne un des plus importants musées d’art moderne, et de Vienne une ville majeure dans le paysage de l’art contemporain. Pour se démarquer de l’offre déjà présente dans la capitale autrichienne (Mumok, Kunsthalle Wien, Belvedere 21…), l’Albertina Modern souhaite privilégier une approche historique et questionner le rapport ambivalent que l’Autriche entretient avec son histoire. Pari tenu pour son exposition inaugurale, « The Beginning », qui, bien que ne constituant pas de réelle prise de risque, est ambitieuse à différents égards. Réunissant des œuvres de soixante-quatorze artistes, elle propose un riche panorama, quasi exhaustif, de l’art autrichien entre 1945 et 1980. Le parcours chronothématique propose de découvrir des œuvres d’artistes autrichiens majeurs, beaucoup encore malheureusement méconnus au-delà des frontières nationales. Il s’agit de démontrer que l’art autrichien s’est, après la guerre, largement ouvert à l’international et a su embrasser les grandes tendances de l’art occidental tout en affirmant ses particularités. Le parcours se structure en treize chapitres, allant du réalisme fantastique à l’avant-garde féministe en passant par l’abstraction, l’art cinétique ou le réalisme social. La part belle est faite à l’actionnisme viennois, évidemment, et au pop art autrichien, moins convaincant. Si cette approche stylistique, alliée à une scénographie épurée et efficace, a le mérite de proposer une vision historique claire et accessible, elle restreint néanmoins les possibilités de dialogue entre les différentes tendances – on déplore ainsi que Valie Export soit séparée des Actionnistes viennois et que son œuvre, labellisée « avant-garde féministe », soit reléguée au sous-sol ! Ces mouvements très variés, proposant chacun leur forme d’expression et d’engagement, sont rassemblés par la lutte qu’ils embrassent contre le nazisme et l’ordre établi. L’ambition de Klaus Albrecht Schröder et de son équipe de cinq commissaires est, avec cette exposition manifeste, de prendre une revanche sur l’histoire. En effet, l’Albertina Modern s’est installé dans la Künstlerhaus (Maison des artistes), bâtiment néoclassique fraîchement rénové (exclusivement avec des fonds privés, une première pour un musée fédéral) en plein centre de la ville. « Je réalise une sorte d’exorcisme. À l’endroit même où a été montré “l’art dégénéré” en 1938, je montre des artistes qui, après 1945, ont déclaré la guerre à la dégénérescence de la guerre », se félicite le directeur.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°736 du 1 septembre 2020, avec le titre suivant : Art régénéré au nouvel Albertina

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