Château La Coste

Art et luxe

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 1 septembre 2015 - 634 mots

Un magnat irlandais de l’hôtellerie haut de gamme a conçu un lieu pluriel inédit et époustouflant.

LE PUY-SAINTE-RÉPARADE - Un coup d’œil sur le site internet de château La Coste pourrait laisser croire que le lieu est un domaine viticole de plus qui s’achète une image de modernité facile, en éparpillant quelques œuvres d’art contemporain. Une fois sur place on est pris par une forme de plénitude, c’est beau et juste, juste au sens où tout (ou presque) semble être à sa place.
Les lieux d’abord, un magnifique vallon planté de vignes, entouré de collines boisées sur un sol aride. Contre toute attente, le bâtiment d’accueil n’est pas un mas provençal, mais un édifice de béton aux formes épurées dont les grandes surfaces planes et grises se reflètent sur l’étendue d’eau qui l’entoure. Il est signé de l’architecte japonais Tadao Ando et est agrémenté d’une araignée de Louise Bourgeois. Le reste est du même tonneau. La « cuverie » a été construite par Jean Nouvel, l’auditorium en plein air est celui conçu par Frank Gehry pour la Serpentine Gallery en 2008, les anciens chais ont été transformés en hall d’exposition, façon white cube par Jean-Michel Wilmotte, les deux petites bibliothèques attenantes au jardin botanique sont logées dans des maisons de Jean Prouvé, un salon de thé est installé dans un pavillon vietnamien du XIXe siècle.

Un mariage inédit

L’architecture n’a pas qu’une fonction utilitaire mais relève aussi de l’installation, comme en témoignent la maison semi-enterrée d’Andy Goldsworthy ou la House of Air de Lee Ufan, dans un parcours de deux bonnes heures dans le domaine. La promenade réserve bien d’autres (bonnes ou moins bonnes) surprises avec pour trait commun une forme de monumentalité. D’immenses plaques de Richard Serra semblent cisailler la colline, tandis que le visiteur est invité actionner une curieuse cloche de Paul Matisse ou contempler les rochers suspendus de Tunga. La clef de voûte de ce mariage réussi entre local et contemporain est la petite chapelle qui surplombe le vallon, habilement encapsulée, comme une seconde peau, dans une structure de verre et d’acier de Tadao Ando décidément très présent. Sean Scully est aussi bien représenté avec un gigantesque mur de différentes pierres dessinant un motif qui fait écho à ses peintures, visibles dans la nouvelle salle d’exposition de Wilmotte. Scully est d’origine irlandaise, comme le propriétaire des lieux qui a fait fortune dans l’immobilier et les hôtels de luxe. Patrick McKillen (60 ans), sans cesse entre deux avions et refusant toute interview, a confié à sa sœur installée dans la région depuis une vingtaine d’années et à Daniel Kennedy la garde des lieux. Mais qu’on ne s’y trompe pas, « Paddy » n’est pas un philanthrope. Son sens des affaires est aussi affûté que son œil d’esthète. Il a conçu un lieu où l’extrême attention portée au confort du visiteur est faite pour l’inciter à consommer. Il peut se restaurer sur place dans un restaurant gastronomique ou sur une ravissante terrasse provençale, et, bien sûr, acheter le vin de la propriété. Et en 2016, il pourra aussi se loger dans un hôtel cinq étoiles en cours de construction à flanc de colline. Une discrète manche à air en bordure d’une esplanade gazonnée, indique que le public n’est pas simplement local et qu’il peut aussi venir en hélicoptère. D’ailleurs le site internet ne manque pas de proposer différentes formules pour les séminaires d’entreprises ou lancements de produits. La simple visite des lieux coûte 15 € (mais seulement 12 € quand on est chômeur). Et les visiteurs les plus fortunés peuvent aussi acheter un des Scully de l’exposition temporaire (via la Kerlin Gallery). Ici s’invente un inédit mariage entre luxe et grand public, nature et art contemporain, promenade et consommation, avec un professionnalisme digne des grands palaces. Une réussite qui sera difficile à surpasser.

Château La Coste, promenade Art & Architecture, 2750 Route de la Cride, 13610 Le Puy-Sainte-Réparade, www.chateaulacoste.com, tlj 10h-19h, entrée 15 €.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°440 du 4 septembre 2015, avec le titre suivant : Art et luxe

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