Rencontres internationales de la photographie

Arles rénove ses murs mais pas ses structures

Le premier festival au monde hésite toujours à se définir

Par Emmanuel Fessy · Le Journal des Arts

Le 1 septembre 1994 - 747 mots

Le conseil d’administration des Rencontres internationales de la photographie (RIP) devrait désigner, le 12 septembre, le directeur artistique chargé de l’édition 1995. En dressant le bilan du festival, marqué cet été par la célébration de son 25ème anniversaire, le sénateur maire d’Arles, Jean-Pierre Camoin, président des RIP, a confirmé l’engagement de sa municipalité et a annoncé la rénovation de lieux d’exposition. En revanche, il s’est montré plus hésitant à réformer le mode de fonctionnement des RIP.

ARLES - Si la Direction des musées de France (DMF) lui emboîte le pas, et si les élections municipales confirment l’an prochain Jean-Pierre Camoin à la tête de la ville, les Rencontres internationales de la photographie pourraient enfin disposer de lieux dignes d’accueillir des expositions internationales.

L’actuel maire a annoncé qu’il voulait, avec l’aide de la DMF, rénover le Musée Réattu, et par ailleurs transformer le Palais de l’Archevêché en lieu d’exposition permanent. Comme l’immense majorité des lieux occupés par le festival, ces deux bâtiments n’offrent pas les conditions nécessaires à des prêts d’œuvres fragiles : climatisation, contrôle hygrométrique, sécurité… Seul l’ancien hospice, rebaptisé après sa rénovation "Espace Van Gogh", dispose de ces moyens techniques.

Alternance des directeurs
Cette absence montre la difficulté d’Arles de passer d’une "rencontre", créée en 1970 par une poignée de passionnés, à un festival devenu le premier au monde, gérant un budget de 9,6 millions de francs. En annonçant ces investissements, Jean-Pierre Camoin a confirmé l’engagement de sa municipalité dans la manifestation, alors que certains redoutaient son retrait.

La ville de 50 000 habitants, dont la subvention est passée en 25 ans de 200 000 à 2,4 millions de francs, s’est en effet lancée dans une vaste politique culturelle, avec en particulier la coûteuse construction d’un Institut de recherche sur la Provence antique. Autre confirmation pour l’avenir des RIP, le soutien du principal mécène, Kodak, qui renouvelle sa subvention de 1,5 million de francs, mais celle-ci atteignait le double en 1992.

S’il rénove les murs, le maire hésite à s’engager dans des réformes de structure. Plutôt que de nommer longtemps à l’avance et pour plusieurs éditions, un directeur artistique, les RIP préfèrent pratiquer l’alternance chaque été. Privé de délai, sans assurance de durée, le directeur est pourtant handicapé pour concevoir sa programmation, pour monter de véritables projets d’expositions, engager des négociations de prêts, concevoir une politique éditoriale, entreprendre des recherches de mécénat…

Il ne peut rechercher des coproductions pour financer les coûteuses soirées de projection au Théâtre antique, qui pèsent lourdement sur le budget arlésien. À la mi-septembre, le directeur pour 1995 – le nom du journaliste du Figaro, Michel Nuridsany, était donné comme favori à la clôture des Rencontres – sera nommé moins de dix mois seulement avant le début de son festival !

"Bricolage"
Ce parti pris renforce les critiques de ceux qui déplorent un "bricolage" de la manifestation, acceptable autrefois, contestable aujourd’hui. Le cru 94, mené sous la houlette de Lucien Clergue, photographe et co-fondateur des RIP, n’a pas échappé à cet état de fait. Largement tourné vers le passé, vers l’évocation du bon vieux temps arlésien, il a offert tout le charme provençal à ces Rencontres, mais n’a pas tracé de pistes pour l’avenir.

Il ne laisse pas le souvenir d’expositions majeures, hormis celle consacrée au Canadien Donigan Cumming, "Pretty Ribbons", un travail patient sur le déclin physique, la disparition de la beauté et de ses artifices.

En revanche, si Arles choisissait de montrer un aspect particulier du travail de Josef Sudek, des tirages où se mêlent pigments et encres à base d’huile, l’exposition n’était pas menée à son terme, et souffrait d’un manque de mise en perspective et d’explications. Hormis les films consacrés à Henri Cartier-Bresson (le JdA n°5, juillet-août) et à Lartigue, ainsi que les rediffusions des films évoquant Robert Doisneau et André Kertész, les soirées au Théâtre antique étaient du même tonneau.

L’un des précédents directeurs des RIP, et actuel directeur de l’agence Magnum, François Hebel préconise dans un rapport une gestion plus professionnelle de la manifestation (le JdA n°3, mai). Il recommande la nomination d’un délégué général, responsable du long terme, le directeur artistique étant chargé de dresser "un état des lieux de la création". Il envisage également la création d’un marché de la coproduction où agences photo, agences de publicité, éditeurs pourraient confronter leurs projets et discuter de collaboration.

On serait bien loin des temps historiques, qu’évoque avec émotion Lucien Clergue, où "sans argent mais avec de la passion" tout a été créé. Arles y perdrait-elle son âme ?

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°6 du 1 septembre 1994, avec le titre suivant : Arles rénove ses murs mais pas ses structures

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