Musée des arts décoratifs

Antonio, enfant de la mode new-yorkaise

Humour et beauté dramatique

Le Journal des Arts

Le 1 décembre 1994 - 587 mots

Considéré comme un enfant prodige de l’univers de la mode new-yorkaise, Antonio Lopez commença sa carrière à dix-sept ans. Né en 1943 à Porto Rico, mort en 1987, élevé dans le Spanish Harlem à New York, il \"créa\" Grace Jones, Jerry Hall, Jessica Lange. Andy Warhol collectionnait ses dessins, mais son parcours très individualiste est peu connu du grand public, d’où l’intérêt de l’exposition présentée au Musée de la mode à Paris.

PARIS - Antonio a pourtant réussi, dès ses débuts, à travailler pour des groupes aussi férocement concurrents que Condé Nast et Fairchild, et dans plusieurs pays simultanément. Il a fait de Jerry Hall (avec qui il vécut trois ans) ou de Pat Cleveland – le premier grand mannequin noir américain – des mannequins stars. Il a repris le flambeau du dessin de mode, que Gruau n’avait pu renouveler dans les années soixante-dix. L’exposition est composée de deux cents dessins, de 1965 à 1986. Pour chacun d’entre eux ont été retrouvés le nom du mannequin et l’origine du modèle présenté. Les techniques sont aussi variées que le fusain, la mine de plomb ou l’encre de Chine rehaussée d’aqua­relle et de gouache.

"Antonio" était l’association de deux personnes : Antonio Lopez, mort du sida en 1987 à l’âge de quarante-quatre ans, et Juan Ramos, son ami et associé, Portoricain comme lui, rencontré au FIT (Fashion Institute of Technology). Ensemble, ils ont dessiné, photographié et créé des mises en scène de mode qui chamboulaient l’image de la femme chic et découvraient les jambes, les attitudes, le "look" de la rue qui allait être celui des années soixante-dix et quatre-vingt, à Paris comme à New York.

Le premier journal à avoir publié Antonio aux États-Unis est Women’s Wear Daily, le grand quotidien américain de la mode. En France, c’est Hélène Lazareff qui l’a fait venir pour la première fois en 1967, pour Elle.

Issu du Pop Art, inspiré par Roy Lichtenstein et James Rosenquist, mais aussi par Dennis Hopper et son célèbre film Easy Rider, flirtant avec Fernand Léger et De Chirico, Antonio s’est affirmé comme un dessinateur boulimique, immensément cultivé et impliqué à fond dans la vie artistique new-yorkaise de Soho.

Bande dessinée
Ses séries de dessins sont pleines d’humour, touchant parfois à la bande dessinée où il n’hésitait pas à mêler son autoportrait aux poses des mannequins. La dernière série de dessins à l’encre sur papier est d’une beauté dramatique, à la sensibilité espagnole proche des corridas de Goya. Un dessin d’un modèle de Lacroix en 1986 est particulièrement fort, en contraste, par son élégance un peu nostalgique, avec la série de dessins de couleur plus violente réalisée par Missoni à la même époque.

L’exposition offre également un pan de mur couvert d’un papier peint, avec des caricatures de Jean-Paul Sartre et de Madame Réjane, la caissière du Café de Flore, Loulou de la Falaise et Clara Saint chez Angelina, à La Coupole, au Club 7.

Installée sur deux étages au Pavillon de Marsan, cette rétrospective est l’une des dernières à se tenir dans cet espace avant que n’ouvre, en 1996, le nouveau Musée de la mode, sur 4 000 m2, dans l’aile de Rohan. Un projet ambitieux où Katell Le Bourhis, conservateur en chef du musée, va pouvoir appliquer pleinement son expérience acquise au Costume Institute du Metropolitan Museum à New York.

"Antonio", Musée de la mode et du textile, 107-109 rue de Rivoli, jusqu’au 26 février 1995. Monographie éditée par Schirmer Mosel, 208 p., 398 F, avec des textes de Paloma Picasso, Bill Cunningham, Nao Oishi…

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°9 du 1 décembre 1994, avec le titre suivant : Antonio, enfant de la mode new-yorkaise

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