Art moderne

Paris-16e

Anni et Josef Albers, deux voies parallèles

Musée d’art moderne- Jusqu’au 9 janvier 2022

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 26 octobre 2021 - 476 mots

L’exposition que le Musée d’art moderne de la Ville de Paris consacre au couple Anni et Josef Albers est l’une des plus denses et des plus passionnantes de cet automne à Paris.

L’art et la vie. Comment dissocier l’un de l’autre quand un homme et une femme ont choisi de faire route ensemble, tant sur le plan affectif qu’artistique ? Ce sera donc le sous-titre tout naturellement choisi par le Musée d’art moderne pour sa rétrospective de l’œuvre d’Anni et Josef Albers. Une première en France ! Si Anni a, courtoisie oblige, l’honneur de voir son prénom précéder celui de son époux sur les affiches, il n’en fut pas toujours ainsi, la peinture de Josef ayant longtemps fait de l’ombre aux tissages de son épouse… Longtemps jusqu’à, souhaitons-le, cette exposition d’envergure qui a le bon goût de mettre sur un pied d’égalité l’œuvre des deux amants.

Chronologique, le parcours démarre avec l’épisode du Bauhaus, où Josef Albers (1888-1976) et Anni Fleischmann (1899-1994) se rencontrent au début des années 1920 – ils se marient en 1925. Le premier intègre l’école fondée par Walter Gropius en 1920 ; la seconde, en 1922. Malgré la réticence des professeurs, Josef poursuit ses recherches sur le verre coloré, avant de finalement obtenir l’autorisation d’ouvrir son propre atelier au sein de l’école. Nombreux au départ de l’exposition, ses tableaux de verre contiennent en germe tous les fondements de l’art de Josef, dont le carré et l’association des couleurs. Fondements que l’on retrouve dans les premiers travaux d’Anni qui, elle, rejoint l’atelier de tissage – elle ouvrira aussi son propre atelier en 1931.

Sensible, le parcours donne la parole à Anni et à Josef à tour de rôle, dessinant ainsi une œuvre duelle autant qu’individuelle. Car leur singularité éclate au grand jour lorsque l’exposition s’arrête un moment sur l’intérêt du couple – alors émigré aux États-Unis après la fermeture du Bauhaus par les nazis en 1933 – pour l’art précolombien. C’est Anni qui semble le plus enrichir son travail par l’influence des figures et des motifs géométriques précolombiens, même si Josef se souvient de ses voyages au Mexique dans ses Variants. Tout en jurant fidélité aux grands principes transmis au Bauhaus puis au Black Mountain College, où ils enseignent dès leur arrivée aux États-Unis, Anni et Josef parviennent donc à créer une œuvre sensible et personnelle, à l’instar des sublimes « tissages picturaux » (les Pictorial Weavings, des tableaux tissés sans aucune finalité utilitaire) d’Anni. Cela aboutit à Six Prayers, son tissage le plus ambitieux, commandé par le Jewish Museum de New York en 1965, vibrant hommage aux six millions de Juifs tués au cours de l’Holocauste. Pendant ce temps-là, Josef, lui, poursuit son Hommage au carré, série de plus de deux mille tableaux déclinant une infinité de mariages chromatiques. Deux voies distinctes allant dans une même direction, aussi puissante et touchante l’une que l’autre.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°748 du 1 novembre 2021, avec le titre suivant : Anni et Josef Albers, deux voies parallèles

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