Art contemporain

Alpinisme érotique

À Carquefou, Saverio Lucariello voit grand

Par Olivier Michelon · Le Journal des Arts

Le 17 mai 2002 - 469 mots

Habitué des pitreries et d’un art de la dépense gratuite, Saverio Lucariello expose à Carquefou une installation aux dimensions monumentales. Dans des constructions baroques, l’artiste déploie avec outrance un univers symboliste et sensuel où se réconcilient minimalisme et rêveries orientales.

CARQUEFOU - Meringues orientalisantes ou folies rocailles, les trois monticules dorés dressés par Saverio Lucariello miroitent comme des apparitions dans la salle d’exposition du Frac des Pays de la Loire. Au bout de ces traînes de tissu gonflées, des divans beiges complètent cette atmosphère onirique. Respectivement intitulés le Mont des efforts, le Mont des indifférences et la Colline des hésitations, ces trois tumulus, qui culminent à cinq mètres de haut, ménagent en leur sein des grottes chaleureuses, toutes habitées par une série de moniteurs vidéo. Dans la première, de gros plans sur le visage de l’artiste expriment un effort incommensurable, souligné par une musique héroïque. Sans réelle finalité, cette concentration musculaire intense est finalement couronnée par l’apparition à l’écran d’un bouquet de fleurs réconfortant. Dans la seconde grotte défilent des actions sans queue ni tête, appuyées par une litanie équivalente qui égraine, d’une voix rythmée, différentes propositions : “les concepts de Deleuze, les concepts de ta sœur, les concepts de ta mère...”, ou les “machines célibataires, machines à ta mère ou machine à ton père”. L’avalanche de notions croule comme un trop-plein, que le spectateur, pas plus que l’artiste, ne peut définitivement prendre en compte. Enfin, lors de la dernière étape, sous la Colline des hésitations, les clones de l’artiste s’emparent d’une boule d’or dont ils ne savent que faire.

Champion de la dépense gratuite et d’un humour souvent grotesque, Lucariello souligne, par le décorum ambiant, la tonalité fin de siècle de son œuvre. En marge d’une histoire plus glorieuse, il manie la citation maniériste et symboliste et se place délibérément dans une attitude outrancière. Revêtant la figure du dandy, il toise en bouffon les besoins de représentation et de signification de l’art. À la façon de ses actions, chacune de ses sculptures semble chercher l’essoufflement dans une surenchère décorative et superficielle. Mais, dans le quatrième module de l’exposition, le Cube du Kâmâ-Sûtra minimalsolipsiste, c’est une véritable “décadanse” qui se joue. Référence évidente par sa forme carrée et noire aux grandes heures du Minimalisme, le cube en skaï se transforme dès l’ouverture de la porte en un “peep-show” formaliste. Entraînées par une bande-son guimauve d’Ennio Morricone, des projections montrent les ébats de Lucariello, cadré sous un drap noir et aux prises avec une planche blanche. Jouant de ses intonations latines et d’autres incantations érotiques aux consonances orientales, ce dernier fait littéralement l’amour à la forme.

- SAVERIO LUCARIELLO ; DAVID MICHAEL CLARK, jusqu’au 16 juin, Frac des Pays de la Loire, La Fleuriaye, 44470 Carquefou, tlj 13h-18h, 15h-19h le samedi et dimanche, tél. 02 28 01 50 00, www.fracdespaysdelaloire.com

L’amour de l’art

Sur un ton moins démonstratif que Saverio Lucariello, David Michael Clark profite d’une exposition dans le deuxième espace du Frac pour livrer quelques aspects de sa vie artistique et sentimentale. Ainsi, son Mètre carré de rouge à lèvres avec 212 baisers volés utilise une œuvre de Fabrice Hybert comme victime consentante. À partir du monochrome rouge de ce dernier, il transfère avec ses lèvres un échantillon sur une toile brute. Plus loin, dans Terre – artiste&copine – ciel, hommage à Gina Pane, le jeune artiste écossais réalise en couple l’activité faussement solitaire de son aînée.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°149 du 17 mai 2002, avec le titre suivant : Alpinisme érotique

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