Art contemporain

Alain Bublex, « Rambo » sans Stallone

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 12 décembre 2019 - 674 mots

TOURS

Un décor de paysage inspiré du générique du célèbre film d’action, et la projection de sa version en dessin animé vidée de ses héros, transforment l’espace du Centre de création contemporaine Olivier-Debré.

Tours. Vingt minutes de film dans une salle d’exposition, cela peut paraître très long. Étonnamment, ce n’est pas le cas du film d’animation, Un paysage américain (générique), d’Alain Bublex, qui il y a deux ans en avait déjà montré une partie à la galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois, à Paris. Comme un préambule, sur de petits écrans, à son installation actuelle au CCC-OD à Tours. Invité pour la quatrième fois depuis 2000 par Alain Julien-Laferrière (le directeur du centre d’art, qui part à la retraite en cette fin d’année), l’artiste a transformé la nef pour moitié en salle de projection, pour moitié en terrain en pente. Il a en effet installé ici une charpente en plan incliné, plancher tendu du sol au plafond sous lequel le public peut voir le film et sur lequel il a reconstitué la cabane en bois sur pilotis qui apparaît sur les images.

Un paysage américain (générique) se révèle rapidement comme un improbable mais très réussi mélange de la série Top of the Lake de Jane Campion, de Mon voisin Totoro de Hayao Miyazaki et du Rambo (First Blood), le premier de la série, en 1982, de Ted Kotchzeff avec Sylvester Stallone. Si Alain Bublex (né en 1961) précise avoir vu maintes fois le dessin d’animation japonais, c’est surtout pour le film américain qu’il s’est passionné. « J’ai eu pendant longtemps un grand intérêt pour le début de Rambo 1, sans vraiment savoir pourquoi. Et puis un jour j’ai compris que ce qui m’attirait dans ce film, c’était l’atmosphère qui venait du paysage. J’ai donc voulu vérifier l’importance de l’élément paysage, voir s’il tenait seul et pour cela le meilleur moyen était de le dessiner », indique l’artiste.

Une tension diffuse

Rien d’étonnant donc à ce que le dessin animé de Bublex s’ouvre longuement sur le paysage, paysage récurrent avec vues et travellings sur des montagnes sombres, les Rocheuses, et leurs sapins foncés qui peuvent tendre vers le bleu. Avec aussi des sommets enneigés, un lac, un pont sur un fleuve, formant autant de tableaux que les images enchaînent avec lenteur. De temps à autre, la caméra s’aventure au centre de la ville voisine, une ville américaine typique, de taille modeste, aux avenues rectilignes, avec son hôtel, sa station-service, ses maisons. Et ses voitures bien sûr. Quelquefois, le spectateur les voit passer. À d’autres moments, il est dans le véhicule et ce sont alors les trottoirs, les murs, les vitrines qui défilent. Alain Bublex joue ainsi beaucoup de ces allers et retours entre extérieurs (de la ville, de la voiture, de sa propre installation) et intérieurs, avec fenêtres à barreaux, grilles, carrelages, bureaux vides où tout semble être abandonné. D’ailleurs il n’y a pas âme qui vive dans cette version.

Aidé par une musique (judicieusement composée par Denis Vautrin) et une tension constante, on attend toujours ce qui va se passer, avec la crainte d’un drame, une appréhension diffuse. Mais le personnage principal du film reste le paysage. Le paysage pensé et conçu comme une peinture. D’ailleurs, pour réaliser cette œuvre, Alain Bublex a travaillé les scènes comme pour une toile, en jouant sur son ordinateur avec les surfaces, les couleurs, leur très subtile déclinaison, leurs juxtapositions, leurs superpositions qui par moments rappellent les camouflages d’Andy Warhol ou d’Alain Jacquet.

Chaque élément, chaque sujet est ici le résultat, non pas d’un trait faisant contour, mais d’une plage de couleur définie qui circonscrit les formes. « J’ai isolé des éléments du film initial – que j’ai ensuite confiés à un animateur [numérique] – pour en vérifier les qualités. Et j’ai découvert que Rambo est un grand film paysager qui a, en lui, la même importance que la grande peinture américaine », précise Bublex. On peut d’autant plus le croire qu’il se passionne depuis toujours pour la peinture américaine réaliste, tendance paysage, du milieu du XIXe siècle jusqu’aux hyperréalistes des années 1960.
 

Alain Bublex, un paysage américain,
jusqu’au 8 mars 2020, Centre de création contemporaine Olivier-Debré, jardin François-Ier, 37000 Tours.

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°535 du 13 décembre 2019, avec le titre suivant : Alain Bublex, « Rambo » sans Stallone

Tous les articles dans Expositions

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque