Alain Bublex : le projet en marche

Par Manou Farine · L'ŒIL

Le 1 janvier 2005 - 401 mots

« Se promener en ville et imaginer ce qui n’est pas comme impossible. Accumuler des regrets de l’histoire de l’architecture, pour les projeter dans la ville de Lyon », ainsi Alain Bublex résume-t-il son Projet pour rendre à Lyon ses brouillards, projet loufoque s’il en est, mais d’apparence parfaitement raisonnable. Déboutonner le projet architectural ou urbanistique oublié, lui redonner souffle ou envie, le replacer ou le déplacer dans le temps, lui laisser l’occasion d’une métamorphose, d’un prolongement ou d’une représentation fictive, le greffer au présent, prendre à revers son possible autoritarisme, envisager ses conséquences, ainsi se suivent et ne se ressemblent pas les « chantiers » activés par Alain Bublex. Plutôt qu’artiste converti à l’architecture, l’artiste lyonnais agit en collecteur désinvolte mais loyal de projets recalés, inachevés ou négligés par l’histoire de l’urbanisme, qu’il réchauffe d’une imagerie plausible. Attentif à la ville qu’il arpente intensément (ici la sienne), Bublex se fait ambassadeur du projet bien plus que de son exécution. Un désintérêt suspicieux pour l’achèvement et la qualité de l’objet d’artiste qu’il affiche volontiers, et qui place franchement son travail sous le signe du programme, du mouvement et du surgissement permanent. Tout juste reconnaît-il à l’objet sa valeur d’usage, lui préférant sa conception, comprise comme un détonateur collectif. À Lyon, comme à la galerie de Vallois l’automne dernier, le déclencheur s’est fait politique et poétique, amorçant (idéalement) une réflexion sur l’aménagement du territoire. Canaux perçant de part et d’autre le centre de Lyon, projets de Renzo Piano, du Corbusier ou de Lucien Kroll bouturés à la ville, autant de projets que Bublex, dans un geste de retenue et de repositionnement met brillamment en scène. « Une exposition à peine entamée, pour un projet inachevé », sourit-il. C’est pourtant bien avec les outils et les méthodes de l’urbanisme qu’il conçoit (plans, coupes, dessins, plans-reliefs), mais avec ce qu’il faut d’inachèvement et d’à-peu-près pour mettre en doute l’autorité de l’ensemble, de l’architecte et du projet urbain vertueux, progressiste défendu par les modernistes. Assez encore pour rappeler à quel point il se méfie de la bonne parole, du bel objet et de la posture. Assez finalement pour situer l’exposition dans le « chantier » de la création et remettre l’ensemble à sa place, c’est-à-dire, comme le rappelle Bublex dans une énième pirouette, « dans un atelier d’artiste ».

« Alain Bublex, Projet pour rendre à Lyon ses brouillards », LYON (69), BF15, 5 place des Terreaux, Ier, tél. 04 78 28 66 63, jusqu’au 22 janvier.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°565 du 1 janvier 2005, avec le titre suivant : Alain Bublex : le projet en marche

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