Vence (06)

Ainsi soit-il : spiritualité et provocation

Musée de Vence, Fondation Émile Hugues Jusqu’au 10 juin 2015

Par Lina Mistretta · L'ŒIL

Le 15 avril 2015 - 380 mots

En invitant l’artiste américain Andres Serrano à ouvrir le cycle d’expositions « Art sacré », le Musée de Vence fait le choix d’une ligne artistique forte et ambitieuse.

Cette rétrospective est la plus importante, depuis celle d’Avignon en 2006, dédiée à cet artiste découvert il y a vingt-cinq ans par le collectionneur Yvon Lambert. Son travail, sous forme de séries photographiques, s’intéresse essentiellement aux problèmes sociaux, aux questions liées au sexe, à la religion et à la mort, qui le fascinent. Son art dérange par sa puissance de représentation et engendre des réactions violentes ici et là. Il est suspecté de provocation. Comme le souligne l’historien Daniel Arasse, « si provocation il y a chez Serrano, c’est qu’il exige que nous regardions droit dans les yeux ce qu’on a aujourd’hui tendance à écarter, à ne pas vouloir savoir, et ne pas envisager ». Son œuvre fonctionne tel un miroir du monde actuel et doit être également interprétée à l’aune de l’art ancien dont l’artiste se nourrit constamment. L’exposition balaie un large spectre de ses réalisations, jalonnées de séries cultes : dans Fluides, réalisée en 1987, au moment où l’Amérique découvre le sida, Serrano mélange, distille, tel un alchimiste médiéval, les « humeurs » du corps humain (sang, sperme), devenues, avec la peur, objets de répulsion. Les Immersions plongent dans les mêmes bains des sculptures académiques ou des images pieuses, à l’instar de ce superbe monochrome rouge, Madonna and Child. Plus sobre, mais empreinte d’une tout aussi belle spiritualité, la série The Church, réalisée à la demande d’Yvon Lambert, montre des religieuses en prière – mains de sœur Jeanne, visage de sœur Yvette – et des détails d’église. Pour donner à voir The Morgue, d’un réalisme violent, l’artiste convoque les thèmes à caractère religieux à travers des images métaphoriques de gisants, de martyrs, sortes de Memento mori qui renvoient aux œuvres de Rembrandt ou de Léonard de Vinci, dont il reprend à l’envi les constructions. La toute dernière série réalisée dans la chapelle du Rosaire, en écho à The Church, montre des ecclésiastiques tels qu’ils se présentent devant leurs fidèles, vêtus de chasubles aux couleurs de Matisse. Le magnifique Black Supper, la Cène, ferme le ban de cette exposition : dans un bain de bulles,  symbole de bouillonnement de la vie.

« Andres Serrano, Ainsi soit-il »

Musée de Vence, 2, place du Frêne, Vence (06), www.vence.fr/chateau-de-villeneuve-fondation

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°679 du 1 mai 2015, avec le titre suivant : Ainsi soit-il : spiritualité et provocation

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