Adolescent à problèmes

Ce Michel-Ange est mis en relation avec la Nouvelle Sacristie

Le Journal des Arts

Le 26 mai 2000 - 734 mots

Après la grande exposition sur la jeunesse de Michel-Ange, un autre jeune homme est au centre d’une exposition florentine : l’Adolescent de l’Ermitage, à Saint-Pétersbourg, de retour en Toscane après trois siècles d’exil. À la Casa Buonarroti, il est mis en relation avec le décor inachevé de la Nouvelle Sacristie, à San Lorenzo, ultime chef-d’œuvre de Michel-Ange à Florence.

FLORENCE (de notre correspondante) - Figure énigmatique et mystérieuse, inachevée et pourtant très dessinée, interprétée parfois comme une âme en gestation, une entité indistincte destinée à descendre au plus profond des enfers, jeune guerrier, prisonnier ou bien génie funéraire, l’Adolescent, même de petite taille, conserve dans le dessin resserré et la forte concentration des masses la puissante construction des œuvres monumentales. La sculpture est peut-être l’une “de ces statues de la rue Mozza, entre ébauchées et achevées” dont parle Vasari dans une lettre à Cosme Ier. Abandonnées par Michel-Ange dans son atelier en 1534, lorsqu’il quitte définitivement Florence pour s’installer à Rome à cause de la nouvelle situation politique, elles sont remises par son neveu Leonardo Buonarroti au grand-duc. Des collections Médicis, l’Adolescent passe aux mains du collectionneur anglais Lyde Brown, au milieu du XVIIe siècle, qui le revend en 1785 à l’impératrice de Russie Catherine II. Il est à l’Ermitage depuis 1851.

Un dessin conservé au British Museum de Londres montre que l’Adolescent, dans le projet de Michel-Ange, devait faire partie du décor, jamais achevé, de la Nouvelle Sacristie dans l’église San Lorenzo. L’exposition organisée par Serguei Androssov et Umberto Baldini est justement centrée sur la construction et la décoration de cette chapelle, voulue par le pape Léon X pour recevoir les tombes de Laurent le Magnifique et de son frère Julien, ainsi que celles de ses neveux Laurent de Médicis, duc d’Urbino, et Julien de Médicis, duc de Nemours. Ce monument, que Michel-Ange a conçu en un dialogue génial avec l’esprit de l’Ancienne Sacristie de Brunelleschi, a vu le jour pendant des années particulièrement difficiles pour l’artiste. Alors que se poursuivait “la tragédie du sépulcre”, le feuilleton mouvementé du tombeau de Jules II, le travail sur la façade de San Lorenzo, auquel il se consacrait avec passion depuis plus de trois ans à la demande de Léon X lui-même, était interrompu pour un autre projet jugé prioritaire : élever une chapelle pour les tombes des dernières générations Médicis, car l’Ancienne Sacristie ne pouvait plus en accueillir. Peut-être est-ce justement en réaction à cet état d’incertitude, de frustration et de crise, que jaillissent ses audaces dans la Nouvelle Sacristie entre 1524 et 1534.

De Florence à Carrare
La visite de l’exposition s’articule en quatre sections. Les deux premières, “Goût de l’antique durant les années de la Nouvelle Sacristie” et “Genèse de la Nouvelle Sacristie”, rassemblent une sélection de dessins et d’ébauches de Michel-Ange. La troisième, “Les artistes de la Nouvelle Sacristie”, présente des marbres de Silvio Cosini, des dessins de Raffaello Da Montelupo et de Simone Mosca, un plâtre de Montorsoli et un bronze de Francesco Da Sangallo, tandis que la “Fortune de la Nouvelle Sacristie” expose des dessins, des marbres et des terres cuites d’artistes fascinés et inspirés par ce chef-d’œuvre, tant italiens comme Vincenzo Danti, Tintoret, Pierino Da Vinci ou Federico Zuccari, qu’étrangers comme Cornelis Cort.

Avant de rejoindre l’Ermitage, la manifestation florentine fera étape sous une forme modifiée au Palais ducal de Carrare, du 15 juillet au 27 août. L’objet de “La lanterne de la peinture. L’Adolescent de l’Ermitage et les dessins de la Casa Buonarroti : Michel-Ange et l’idée de la sculpture” est plus spécifiquement de mettre en parallèle les sculptures et les dessins de Michel-Ange, dont le Nu de dos, les études pour le Christ ressuscité, la Madone à l’Enfant pour la Madone Médicis, le Sacrifice d’Isaac ou les études pour la tête de Léda. Autre confrontation intéressante, avec le Dieu fleuve, l’un des quelques modèles préparatoires réalisés par l’artiste, exemplaire de sa façon de mener sa sculpture et de traiter les masses anatomiques pour rendre un effet de chair palpitante, qui distingue l’œuvre de Michel-Ange de celles de ses contemporains.

- L’adolescent de l’ermitage et la NOUVelle Sacristie de Michel-Ange, jusqu’au 10 juillet, Casa Buonarroti, 70 via Ghibellina, Florence, tlj 10h-19h, tél. 39 055 24 17 52.
- LA LANTERNE DE LA PEINTURE. L’adolescent de l’ermitage et les dessins de la casa Buonarroti : Michel-Ange et l’idée de la sculpture, 15 juillet-27 août, Palazzo ducale, piazza Aranci, Massa Carrare.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°106 du 26 mai 2000, avec le titre suivant : Adolescent à problèmes

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