2000 nains dans un bois

À Bagatelle, la grande histoire d’un petit peuple

Par Olivier Michelon · Le Journal des Arts

Le 14 avril 2000 - 614 mots

Habituellement cantonnés dans le registre pavillonnaire, les nains de jardin prennent le maquis dans le bois de Boulogne pour raconter la longue marche de leur succès. Des cours royales à l’explosion du plastique, « 2000 nains à Bagatelle » retrace de façon ludique la grande histoire d’un petit peuple.

PARIS - La taille ne fait pas tout, mais fidèle aux stratégies contemporaines d’appropriation, de César à Oldenburg, Présence Panchounette ne conçoit le nain de jardin qu’énorme. Du balcon du comte d’Artois, le Dwarf ! Dwarf ! II du collectif salue la foule sous la devise décidément prophétique du château construit par Bélanger pour le frère de Louis XVI : Parva sed apta (petit mais commode), variante savante du “Sam Suffit”. À l’instar de la fierté domestique, le nain de jardin ne connaît pas les frontières du noble et du populaire. Dès lors, leur sympathisant Laurent Le Bon ne peut qu’être ravi de célébrer dans les allées de l’Ouest parisien la gloire de ces infatigables travailleurs de pelouses pavillonnaires. Fin de millénaire oblige, le titre de la manifestation indique la présence de 2 000 petites créatures dans ce havre de paix de la fin du XVIIIe siècle.  Elles sont en fait beaucoup plus nombreuses. De tous âges ou de tous pays dans la salle des Cinq continents, écartelés entre le plastique et la céramique, les lutins du Trianon assurent la partie historique du parcours. La section “Noblesse oblige” regroupe de superbes spécimens au sang bleu rapatriés de demeures palatiales en Autriche ou en Italie. Point d’orgue de la leçon d’histoire de l’art, la création contemporaine fait l’objet d’un large développement, où l’Angel de Milan Knizak (lire page 11) pose crânement en guérillero des pépinières, mitraillette à la main. Plus métaphysique, la Tombe de Patrick von Caeckenberg figure la mort de l’art avec une procession de six jardiniers portant une boîte de Caran d’Ache. Déçus par ces excès de réflexion, les puristes trouveront toutefois dans la scénographie miroitante de “la nanologie triomphante” le kitsch tant attendu pour pareil sujet.

Nain de campagne
Au bout du jardin, le Château joue la carte de la mise en scène : rares exemples de nains oisifs, les exemplaires prêtés par la société Hofman-Zeho – le géant du nain de jardin – sont attablés dans la salle à manger ; le nain des Jardins de Boboli trône devant ses petits sujets, et les tabourets “naniformes” de Starck  – drôles mais laids – y sont empilés. Dans un des boudoirs, le mécène J.C. de Castelbajac déploie quelques-unes de ses créations dans une ambiance “Blanche-neige après l’amour” convaincante, faux feu de bois à l’appui. Close, la porte de l’autre boudoir renferme une œuvre de Pierre et Gilles qu’un litige a condamnée au mystère.

Mais “avec le nain de jardin, tout est question de contexte ; il ne devient nain de jardin que dans le jardin”, ne manque pas de rappeler Laurent Le Bon, à qui le domaine de Bagatelle offre un magnifique terrain de jeux. La paysagiste Hélène Despagne a ainsi disséminé des compositions dans le parc, prenant soin de retranscrire quelques “rites de passages” nanophiles, comme la séduction des roses, le mariage ou la naissance. Des dizaines d’autres figurines de fabrication industrielle surgissent au détour d’un bosquet, suspendus à une branche, ou gardent leur nouvelle demeure. Autour d’un bassin, dix-sept Narcisses miniatures recherchent désespérément leur reflet dans l’eau. L’œuvre de Doris Haidvogl s’intitule I never promised you a rose garden. On se contentera aisément d’un jardin de nains.

- 2000 NAINS À BAGATELLE, jusqu’au 23 juillet, Château et Trianon du parc de Bagatelle, route de Sèvres à Neuilly, 75016 Paris (Bois de Boulogne), tél. 01 45 01 20 10, tlj sauf mardi 11h-17h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°103 du 14 avril 2000, avec le titre suivant : 2000 nains dans un bois

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