Histoire

XIXE ET XXE SIECLES

1870, les vestiges d’un conflit oublié

Par Élisabeth Santacreu · Le Journal des Arts

Le 21 juin 2017 - 614 mots

PARIS

"France-Allemagne(s)" raconte la guerre de 1870-1871 et montre la persistance de sa mémoire dans les deux pays à travers les oeuvres artistiques et littéraires que cette "année terrible" a inspirée.

Paris. En 1990, lors de la parution de son livre La Guerre de 1870 (Fayard), François Roth avouait : « Ce silence relatif dans lequel est encore enveloppé 1870 a piqué ma curiosité. » Un an après sa mort, l’exposition du Musée de l’Armée, sous le commissariat de Mathilde Benoistel, Sylvie Le Ray-Burimi et Christophe Pommier, vient briser ce silence. Elle présente d’abord les combats qui se sont déroulés du 19 juillet 1870 à l’armistice du 15 février 1871. L’humiliation de la défaite avec la perte de l’Alsace et de la Moselle, la Commune de Paris (du 8 mars au 28 mai 1871) et l’inscription durable de ces événements dans l’univers mental et culturel des Français sont abordés ensuite.

Une antichambre introduit le visiteur dans « Un siècle de guerres, 1815-1914 ». C’est le temps pris par la construction de l’Allemagne autour de la Prusse, dont la première salle montre les prémisses. On peut seulement regretter que ne soit pas plus détaillée la manœuvre de la « dépêche d’Ems » par laquelle Bismarck a habilement poussé Napoléon III à déclarer la guerre. Mais le catalogue, riche de la contribution de nombreux spécialistes, en fait un compte-rendu très précis.

Des témoignages poignants
La suite est une plongée dans un conflit qui nous est à la fois lointain et proche. Les uhlans et les pigeons voyageurs sont d’un autre temps, mais 1870 marque le début de la guerre aérienne, avec les ballons et les canons contre les aéronefs. La photographie joue déjà son rôle de témoin. Le terrible cliché du Franc-tireur brûlé vif par les Prussiens préfigure la Seconde Guerre mondiale en mettant en exergue le rôle des troupes de volontaires (parfois des femmes), ancêtres des FFI (Forces françaises de l’intérieur).

Les commissaires ont exploité la richesse des collections du Musée de l’Armée, ainsi que de musées français et allemands, pour montrer les œuvres de nombreux artistes. Une aquarelle d’Eugène Viollet-le-Duc (responsable des fortifications de Paris) représente la Bataille de Champigny et les esquisses pour les décors du cabinet du préfet à l’Hôtel de Ville de Paris, dues à Henry Dupray, témoignent de la vie de la population parisienne pendant le siège. Plus loin, des œuvres de Jean-Jacques Henner, Gustave Doré, Victor Hugo, Alfred Stevens et Henri Gervex font partie du parcours. La Capitulation de Paris le 28 janvier 1871 d’un Édouard Detaille très inspiré, représente, en rase campagne, trois cavaliers dont l’un brandit un drapeau blanc. Ce tableau poignant est conservé à Berlin.

Parmi les témoignages frappants, c’est du Musée de l’histoire vivante de Montreuil que proviennent les photos d’identification de Communards morts au combat. La Maison de la dernière cartouche, à Bazeilles (dans les Ardennes), a prêté son fameux tableau d’Alphonse de Neuville, Les Dernières Cartouches et le Musée de la Guerre de 1870 de l’Annexion de Gravelotte (en Alsace Moselle) a envoyé Morts en ligne, une toile d’Auguste Lançon. L’exposition montre enfin l’impact de cette guerre à la fin du XIXe et au début du XXe sur les arts, la littérature (Hugo, Zola, mais aussi les auteurs pour enfants) et la vie quotidienne, des populaires panoramas aux monuments aux morts. Et ce jusqu’à nos jours, puisque La Défense de Paris, la sculpture de Louis-Ernest Barrias dont est présentée une esquisse, continue de donner son nom au quartier parisien qui s’est construit autour d’elle.

Légende Photo

Alphonse de Neuville, Les Dernières cartouches ou Défense d’une maison cernée par l’ennemi, 1873, huile sur toile, Maison de la Dernière Cartouche, Bazeilles. © Photo : RMN/Hervé Lewandowski.

France-Allemagne(s), 1870-1871. La guerre, la commune, les mémoires,

Jusqu'au 30 juillet, Musée de l'Armée, Hôtel des Invalides, 75007, Paris

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°482 du 23 juin 2017, avec le titre suivant : 1870, les vestiges d’un conflit oublié

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