Biennale

Exposition internationale

Une ILLUMInations sans véritable lustre

Par Manou Farine · L'ŒIL

Le 24 juin 2011 - 655 mots

Malgré quelques œuvres d’envergure et une bonne idée, les parapavillons, « ILLUMInations », l’exposition internationale de la 54e Biennale de Venise portée par la commissaire Bice Curiger déçoit.

LLUMInations. C’est ce qu’annonçait cette 54e édition de la Biennale de Venise. Hélas, la double exposition internationale déçoit. Au pavillon central des Giardini, ça démarre pourtant sec et juste, avec un préambule aussi modeste que profane pour trois icônes historico-incandescentes : low-tech avec Parreno et sa marquise ampoulée (2011), optique et architectural avec le fameux Spazio Elastico de Gianni Colombo (qui remporta le Lion d’or en 1968) et techno-psycho avec la vibrante expérience du pixelisé The Jump (1975) signé Jack Goldstein.  Mais la promesse s’effondre, jusqu’à dérouler quelques séquences d’une franche indigence. Que dire de l’enchaînement Cindy Sherman, suivie de la très régressive installation de Norma Jeane engageant le visiteur à bidouiller sur les murs à coups de blocs de plasticine et d’une pénible série de vidéos néovénitiennes de Pipilotti Rist ?  

Plaisanteries potaches et fantaisies foutraques
Illisible, inégale, même si la Suissesse Bice Curiger, commissaire de la Biennale, ose une ouverture tonitruante avec trois fiévreux Tintoret. Mais le postulat historien de s’inspirer de la fulgurance du maître, de son non-respect des conventions jusqu’à la disharmonie avec ce style non-finito ne dépasse pas l’impression d’alibi et de démonstration didactique. Surtout face aux pigeons empaillés de Maurizio Cattelan, systématiquement perchés aux plafonds du pavillon. À cet exercice inflationniste – redite d’une installation de 1997 –, l’impertinence légendaire du maestro perd de sa force et se transforme en plaisanterie potache.  Au final, l’exposition ne résiste pas aux disparités flagrantes de niveaux entre les œuvres. Tout juste le parcours est-il sauvé de la débâcle par l’impeccable salle associant la plastique socialo-futée de Gabriel Kuri et le photographe italien Luigi Ghirri. Surnagent encore les blocs d’argile cosmiques de Fischli & Weiss et le diptyque vidéo aussi foutraque que déjanté du jeune Britannique Nathaniel Mellors.  

Les parapavillons, la bonne idée de cette 54e édition
Pour le reste, un coup pour rien ? Le spectateur serait en tout cas bien inspiré de lire préalablement le catalogue, car la visite se fait sans médiation, en particulier à l’Arsenal. Et ce n’est pas l’accrochage qui aidera à la compréhension de ces ILLUMInations. Ce qui se présentait comme la réunion de l’héritage des Lumières et du concept de nation se dissout dans l’exposition. Pourtant le parcours de l’Arsenal part lui aussi plutôt bien, avec la bonne idée de la Biennale : les parapavillons. Celui de Song Dong impressionne : la reconstruction d’une maison domestique centenaire importée de Pékin au milieu d’une architecture de portes d’armoires, ou comment détourner les interdictions gouvernementales de construire des extensions architecturales. 

Mais le reste du parcours s’anémie rapidement, alternant des œuvres pas toujours intéressantes (film assommant d’Elad Lassry) ou carrément ratées (la baleine grotesque de Loris Gréaud, décidément en perdition). Et comme toujours à la Biennale, on tombe sur quelques pépites. The Innocents Abroad (2011) d’Elisabetta Benassi rassemble dans l’obscurité des lecteurs de micro-fiches automatisés pour une frustrante production d’images mentales et mémorielles. Le triptyque colossal et un poil superlatif d’Urs Fischer combinant la réplique en cire de L’Enlèvement des Sabines de Giambologna (1583), la statue de l’artiste Rudolf Stingel et une chaise de bureau, toutes trois se consumant et fondant dans une dramaturgie au cynisme fatal, est assurément l’œuvre majeure – déjà achetée par François Pinault – avec celle de Christian Marclay, The Clock (2010), montage cinéphile calé sur le temps réel du spectateur. Malin, jouissif et puissamment addictif. Quant au parapavillon de Franz West, qui expose sa collection personnelle selon le plan de son petit appartement viennois, il constitue un des seuls moments d’œcuménisme artistique probant du parcours, face à cette bien passive Biennale.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°637 du 1 juillet 2011, avec le titre suivant : Une ILLUMInations sans véritable lustre

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