1969 bis

Reprendre forme

« Live in Your Head: When Attitudes Become Form »

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 19 juin 2013 - 453 mots

La reconstitution à l’identique de l’exposition de Szeemann interroge la retranscription.

VENISE -  Lorsqu’en 1969, le commissaire d’exposition suisse Harald Szeemann inaugurait à la Kunsthalle de Berne l’exposition « Live in Your Head. When Attitudes Become Form », se doutait-il que sa proposition passerait à la postérité, et de quelle manière ?
De jeunes artistes répondant aux noms de Richard Serra, Bruce Nauman, Alighiero Boetti, Joseph Beuys, Robert Barry, Gilberto Zorio, Eva Hesse, Robert Smithson et tant d’autres, étaient réunis. Tous ceux qui allaient compter dans le futur : qui tenant du dispositif processuel, qui d’une inclinaison conceptuelle, qui de la dématérialisation, qui intéressé par la dimension physique et territoriale de l’œuvre… Avec pour point commun, une volonté marquée de rupture avec l’expressionnisme abstrait et le pop art.
C’est un projet à la fois généreux dans l’idée et conceptuellement percutant que propose la Fondation Miuccia Prada qui, par l’entremise de Germano Celant, Thomas Demand et Rem Koolhaas, déploie véritablement une nouvelle version de l’exposition que finalement bien peu ont vu, malgré sa notoriété gagnée à travers l’histoire, les commentaires et la transmission. Ils la rendent ainsi accessible, ce que d’aucuns n’auraient jamais imaginé pouvoir être possible.

Transposition de l’héritage de Szeemann
Or c’est bien de transmission qu’il s’agit dans cette aventure qui au-delà du simple fait de (re)construire une exposition, questionne tant la pertinence et la persistance de la mémoire que la possibilité de la reproductibilité d’un tel événement. L’exercice n’a pas été aisé. Après de solides recherches dans les archives de Szeemann conservées au Getty Research Institute, à Los Angeles, il a conduit les compères non pas à proposer une relecture, mais une véritable transposition de l’exposition originale et de son architecture moderniste dans un palais vénitien du XVIIIe siècle, conduisant au collage d’une architecture sur une autre. Pour cette entreprise à la fois d’exhumation archéologique et de reconstruction, l’équipe a opté pour la transposition à l’identique, salle après salle. Effacé le décor vénitien, recouvert par de faux murs blancs percés par les mêmes fenêtres qu’à Berne, sous lesquelles on retrouve les mêmes radiateurs et des sols identiques.
Beaucoup d’œuvres originales parsèment les salles, quelques reproductions pas toujours très heureuses auxquelles il manque le lustre de l’histoire également. Quand aux œuvres impossibles à retrouver ou à reproduire, elles sont restées à l’état de fantômes, « matérialisées » par des pointillés au sol ou au mur et documentées par une image. Les chefs-d’œuvre abondent et cette fois on en a la preuve, au-delà du mythe : Szeemann avait vraiment vu juste !

WHEN ATTITUDES BECOME FORM : BERN 1969/VENICE 2013

Jusqu’au 3 novembre, Fondazione Prada, Ca’Corner della Regina, Calle de Ca’Corner, Santa Croce 2215, 30135 Venise, tél. 39 041 8109161, www.fondazioneprada.org, tlj sauf mardi 10h-18h

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°394 du 21 juin 2013, avec le titre suivant : Reprendre forme

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